Surfcasting Méditerranée

Moulinet : comprendre l'enroulement

Chapitre 6 | Conséquence du rythme d'oscillation, l'enroulement du fil est réalisé par spires jointives ou par spires croisées. Voyons ce que cela signifie dans ce nouveau chapitre du dossier sur le moulinet.

Enroulement : définition

Dans le vocabulaire des moulinets, la technique d'enroulement indique la manière dont les spires de fil sont disposées sur la bobine pendant la récupération du fil.

L'organisation des spires de fil a une incidence sur leur assise dans la bobine et sur leur libération lors du lancer. L'enroulement contribue ainsi à la performance du lancer et, dans une certaine mesure, à la facilité d'utilisation du moulinet car une bonne assise des spires réduit le risque d'enchevêtrement et de perruques.

Enroulement jointif ou croisé

On distingue principalement deux grandes catégories d'enroulements qui peuvent porter des noms diverses dans les catalogues : les enroulements croisés et les enroulements par spires jointives.

Spires jointives : les spires de fil sont juxtaposées avec peu d'écart, leur nombre par couche de fil est élevé et l'angle d'enroulement sur la bobine est faible (les spires sont presque parallèles aux lèvres de la bobine).

Spires croisées : les spires de fil sont significativement écartées les unes des autres et leur angle d'enroulement sur la bobine est plus élevé de sorte que les spires montantes et descendantes se croisent de manière nette.

Pour être tout à fait précis, il existe deux techniques d'enroulement croisé : l'enroulement croisé à une vitesse, qui est un procédé "classique" présentant un nombre de spires de fil égal à chaque couche, et l'enroulement croisé à deux vitesses, où le nombre de spires montantes est différent du nombre de spires descendantes (nous reviendrons plus bas sur cette technique asymétrique).

Moulinet : comprendre l'enroulement

Le terme d'enroulement "croisé" est un peu confus car, d'une part, toutes les techniques d'enroulement croisent les couches de fil sur la bobine (avec un angle plus ou moins ouvert), et d'autre part, il n'est pas fait de distinction franche entre des mécanismes à 1 et 2 vitesses.

La frontière entre un enroulement croisé et un enroulement prétendu jointif est parfois très floue, donc sujette à interprétation. Pour cette raison, certains fabricants communiquent davantage sur le rythme d'oscillation de leurs moulinets plutôt que sur la disposition de l'enroulement. Si le pêcheur expérimenté saura s'y retrouver, la confusion n'en sera que plus grande pour le pratiquant occasionnel qui éprouvera bien du mal à confronter des informations similaires exprimées différemment.

Le rôle de l'oscillation

L’enroulement du fil est principalement dicté par le rythme et la régularité de l’oscillation de la bobine. Le galet et la forme de la bobine contribuent eux aussi mais leur rôle est secondaire. S’intéresser au procédé d’enroulement demande avant tout de prêter attention au comportement du mécanisme d’oscillation (voir l'article précédent).

Enroulement selon la vitesse d'oscillation

La vitesse avec laquelle se déplace la bobine par rapport aux tours de rotor détermine le nombre de spires enroulées à chaque couche de fil, l'écart qui les sépare et leur angle d'enroulement sur la bobine (voir les notions mathématiques sur les spirales en annexe).

Plus l'oscillation est rapide, plus la bobine se déplace entre deux tours de rotor donc plus l'écart entre les spires de fil est important. L'angle des spires sur la bobine est élevé et les couches de fil se croisent alors de manière franche.

A l'inverse, plus l'oscillation est lente et plus le rotor du moulinet effectue de tours par oscillation, enroulant ainsi un nombre élevé de spires à chaque couche de fil. L'écart entre les spires est d'autant plus faible que la vitesse d'oscillation est basse. En présence d'une oscillation très lente, les spires deviennent quasiment jointives.

Une couche de fil enroulée selon différentes vitesses d'oscillation

Une couche de fil enroulée selon différentes vitesses d'oscillation

Oscillation à deux vitesses

Contrairement à la grande majorité des mécanismes d'oscillation où la bobine évolue à vitesse constante, il existe des mécanismes à deux vitesses où l'ascension de la bobine se produit à vitesse différente de sa redescente.

L'enroulement obtenu est alors asymétrique : le nombre de spires montantes n'est pas identique au nombre de spires descendantes. Cette technique permet d'effectuer un maillage théoriquement plus "ferme" entre les couches de fil pour réduire le risque de chevauchement des spires.

Le vocabulaire employé par les marques pour désigner une oscillation à deux vitesses n'est pas toujours explicit ni précis. Faites attention de ne pas confondre les mentions "deux vitesses" ou "double vitesse" avec des termes ressemblant comme "double oscillation" ou "vitesse variable" qui ne sont pas des enroulements croisés asymétriques. Je vous renvoie là encore à l'article sur les mécanismes d'oscillation.

Le meilleur moyen d'obtenir une information fiable est encore de compter les spires montantes et les spires descendantes sur le fond de la bobine ou (mieux encore) d'autopsier le moulinet pour observer les organes d'oscillation qui ne laissent alors aucun doute.

Exemple ici avec cette image de comparaison provenant de l'article précédent :

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Les enroulements selon les marques

La technologie d'oscillation d'un moulinet ou son enroulement sont souvent désignés par une appellation commerciale propre à chaque marque. Comprendre de quoi il s'agit pour comparer les procédés s'avère parfois complexe.

Néanmoins les grands fabricants communiquent plus facilement des détails au sujet de leurs technologies que les autres. Voici un rapide état des lieux.

Les enroulements chez Shimano

Shimano a pour habitude de communiquer sur ses techniques d'oscillation plutôt que sur la disposition de l'enroulement. Il n'y a d'ailleurs quasiment que Shimano qui fournisse une définition compréhensible de ses différentes technologies d'oscillations.

Les différentes oscillations des moulinets Shimano

Voici une photo de la première couche de fil enroulée sur mon Aero Technium MgS XSB à oscillation Super Slow 10. Elle compte environ 50 spires, ce qui nous donne bien 100 spires pour une oscillation complète tel que le promet la marque.

L'oscillation Shimano Super Slow 10 en action
Shimano Super Slow 10, un parfait exemple d'enroulement jointif.

Les enroulements chez Daiwa

Daiwa a fait le choix de significativement croiser les spires de fil sur ses moulinets. On ne trouve pas d'oscillation super lente chez la marque mais une oscillation de vitesse standard et une oscillation lente.

L'oscillation standard, appelée "Cross Wrap" (spires croisées en français), porte l'acronyme "CW" dans les noms et codes des produits.

L'oscillation la plus lente se nomme "Slow Cross Wrap" et est représentée par le suffixe "SCW" sur les noms et les codes des produits. Elle enroule environ 40 spires par oscillation sur une bobine de 45mm, ce qui s'avère sensiblement équivalent à une oscillation lente classique de Shimano (Slow et non pas Super Slow).

Oscillation Standard CW Oscillation Lente SCW

La vidéo suivante compare brièvement les deux technologies : https://youtu.be/uhTshjPksAc

Dans l'ensemble, les informations sont moins claires et moins détaillées chez Daiwa que chez son concurrent Shimano. Les choses sont même encore plus confuses depuis que le site internet a été refait car les pages françaises des produits ne reflètent pas toujours ce qui figure dans le catalogue ni dans le code du produit (c'est bien dommage car l'ancienne version du site était plus précise et plus détaillée...).

Quelle technique d'enroulement est la meilleure ?

Il s'agit d'une question que beaucoup de pêcheurs se posent et qui n'a finalement pas de réponse unanime. La réponse la plus honnête que l'on puisse vous faire à cette question est "ça dépend..."

Que vous lisiez les informations provenant d'une marque ou d'un autre, toutes vont vous vanter de meilleurs performances au lancer en avançant des arguments parfois totalement opposés.

Le niveau d'efficacité ou de performance d'une technique d'enroulement varie en réalité avec la nature de la ligne (sa matière, son diamètre) ainsi qu'avec le montage de la canne (taille et disposition des anneaux)

Le point sur l'enroulement jointif

Si l'on en croit les marques qui parient sur les oscillations très lentes comme Shimano, abaisser la vitesse d'oscillation favorise la sortie du fil lors du lancer. Les spires se libèrent avec une plus grande facilité et les frottements sur la lèvre de la bobine sont réduits.

La théorie a cependant ses limites dans la pratique car l'écart de performance au lancer entre une oscillation lente et une oscillation très lente est difficilement perceptible. Je n'ai pas constaté de très grande différence de résultat lors de mes essais. Même chose pour ce bloggeur espagnol qui a posté un récit des tests qu'il a réalisés, au terme desquels il arrive à une conclusion similaire.

Ralentir toujours davantage l'oscillation n'est donc pas une prouesse qui garantit un gain de performance. Au contraire, l'enroulement jointif d'une oscillation super lente (type Super Slow 10) se montre nettement plus capricieux que les autres enroulements. L'assise des spires dans la bobine étant plus fébrile (plus lâche) que sur un enroulement de vitesse supérieure, les spires se libèrent si facilement que l'on observe un risque accru de perruques au moindre faux pas.

Tout petit défaut de tension du fil lorsqu'on récupère la ligne ou bien un remplissage de bobine à fleur de lèvre peuvent engendrer un relâchement inopiné d'une ou plusieurs spires qui entraine une perruque au lancer suivant.

Enfin, une libération du fil insuffisamment contrôlée (freinée) en sortie de bobine est parfois la source d'un engorgement devant l'anneau de stripping (le plus large de la canne) qui favorise également la formation d'une perruque. Ce phénomène est plus ou moins significatif en fonction de la ligne utilisée ainsi que du modèle, taille et position de l'anneau sur le blank. Sur certaines de mes cannes, le phénomène est nettement observable, sur d'autres il ne l'est pas du tout.

Manipuler un moulinet à enroulement jointif demande d'être attentif à la tension du fil à chaque instant et de laisser par sécurité une petite marge de lèvre dégagée sur la bobine pour éviter l'emballement du fil. Ce type de moulinet se révèle donc plus délicat à l'usage, un peu trop même pour certaines personnes (certains pêcheurs finissent d'ailleurs par convertir le mécanisme d'oscillation en oscillation standard).

Le point sur l'enroulement croisé

Les marques qui misent au contraire sur une oscillation plus rapide et un enroulement croisé comme Daiwa mettent également en avant un bénéfice de performance au lancer mais pour un motif opposé à celui de l'enroulement jointif : en espaçant les spires, elles entendent réduire les frictions pour fluidifier la sortie du fil.

Cette seconde vision des choses n'est pas dénuée de sens (surtout pour des nylons épais) mais doit être mise en perspective avec le fait que l'enroulement croisé empile un plus grand nombre de couches de fil. Lors du lancer, chaque couche de fil déroulée abaisse davantage le diamètre intérieur de la bobine et augmente les frottements sur la lèvre supérieur. Le gain de friction obtenu en espaçant les spires est potentiellement perdu sur la lèvre de la bobine (il n'y a pas de magie).

Toutefois, ces légères frictions sur la lèvre s'avèrent faciliter l'usage du moulinet car elles contribuent à limiter les perruques en agissant comme un frein qui contrôle la sortie du fil. Le risque d'emballement est réduit et les spires freinées sont partiellement étirées/redressées avant leur passage dans les anneaux. Leur guidage dans les anneaux est fluidifié de sorte que le phénomène d'engorgement au premier anneau est éliminé.

Par ailleurs, le maintient plus ferme du fil dans la bobine (par le croisement des couches) limite fortement le relâchement d'une spire et leur écart significatif évite qu'une d'entre elles emporte les autres.

Un moulinet à enroulement croisé par oscillation lente à standard représente un très bon compromis pour tout type de ligne. Qu'il s'agisse de nylons de fort diamètre, de nylons fins ou bien de tresses, le moulinet reste efficace et simple d'utilisation.

Le point sur l'enroulement croisé à deux vitesses

L'oscillation à deux vitesse est quant à elle prétendue offrir un avantage lors de l'utilisation des tresses.

Plus souples mais aussi moins étirables que les nylons, les tresses ont tendance à voir leurs spires s'entrelacer sur les enroulements jointifs. Lorsqu'on tire fortement sur la ligne (accrochage au fond par exemple), les spires du dessus se tendent et traversent une à plusieurs couches inférieures. Lors du déroulement de la ligne, les spires coincées se libèrent avec difficulté, causant des secousses dans la main du pêcheur et pénalisant fortement la distance de lancer (sans parler du risque important de perruque).

L'enroulement croisé à deux vitesses évite ce souci d'une part en laissant un écart entre les spires et d'autre part formant un maillage plus robuste entre les couches de fil qui résiste davantage à la pression d'une spire mise forte sous tension.

Néanmoins, une oscillation à vitesse unique suffisamment rapide (ni trop, ni trop peu) offre un résultat somme toute comparable.

En résumé

Au final, il est bien difficile de désigner un gagnant dans ce match qui oppose les techniques d'enroulement. Il en va des préférences de chacun dont le ressenti et l'expérience peuvent varier selon la nature de la ligne et son diamètre. Un nylon épais, un nylon fin ou bien une tresse n'ont pas le même comportement à l'utilisation.

Il y a de cela 10 ans, mon passage d'un moulinet à enroulement croisé (Shimano Power Aero XTA) à un moulinet à enroulement jointif (Shimano MgS XSB, oscillation Super Slow 10) m'avait effectivement permis d'accroitre substantiellement mes distances de lancer avec un gain immédiat de 20m sans changer de nylon, de canne ou de technique de lancer.

Néanmoins, à l'usage je trouve les oscillations lentes de type Daiwa Slow Cross Wrap et Shimano Slow, ou bien très lente de type Shimano Super Slow 5 beaucoup plus pratiques que l'oscillation super lente Shimano Super Slow 10 (que je maudis véritablement certains jours).

Avec un peu de recul sur le sujet, mes recommandations sont les suivantes :

  • Privilégiez l'enroulement jointif super lent (Super Slow 10) pour les lignes fines en nylon (jusqu'à 25/100). L'usage de tresses fines est également possible avec quelques précautions (éviter de remplir la bobine à fleur de lèvre). L'enroulement super lent est en revanche moins convaincant sur les lignes de fort diamètres et les pêches fortes.
  • L'enroulement jointif très lent (Super Slow 5) est plus permissif que le super lent. Il se comporte bien mieux sur des lignes plus fortes et se montre plus facile à apprivoiser à l'usage.
  • L'enroulement croisé lent est certainement le plus permissif et le plus simple d'utilisation. Il se comporte à merveille avec tout type de ligne et pardonne plus volontiers quelques erreurs de tension du fil.
  • L'enroulement croisé standard est un peu en perte de vitesse pour des questions de tendance (mode) mais il reste celui à privilégier pour les pêches fortes en tresse ou pour les nylons les plus épais (> 45/100).
  • L'enroulement croisé à deux vitesses reste plébiscité pour l'usage des tresses en pêche au leurre mais sa pertinence est discutable sur les moulinets longue distance utilisée en surfcasting.

Corriger l'enroulement avec les rondelles

Les moulinets sont souvent livrés avec de très fines rondelles qui permettent de modifier la répartition du fil sur la bobine.

Le principe de fonctionnement est très simple : en ajoutant des rondelles, on surélève la bobine pour accentuer l'enroulement sur le bas. En retirant les rondelles, la bobine descend sur l'axe et l'enroulement s'accentue en haut de bobine (sous la lèvre supérieure).

Quand ajouter des rondelles ?

On ajoute des rondelles pour rééquilibrer l'accumulation de fil sous la lèvre supérieure de la bobine alors que la lèvre inférieure est nettement dégagée. La masse de fil forme alors un entonnoir ou un cône pointant vers le bas.

Ajouter une ou plusieurs rondelles de calage sous la bobine permet de la rehausser sur l'axe. L'enroulement va ainsi légèrement se déplacer vers le bas de la bobine.

Quand retirer des rondelles ?

On retire des rondelles précisément dans le cas contraire, lorsqu'il est nécessaire de remonter la masse de fil sur la bobine et éviter qu'elle ne s'accumule au niveau de la lèvre inférieure.

Si votre fil ou votre arraché a parfois tendance à déborder sur la jupe de la bobine, alors il est judicieux de vérifier s'il n'y aurait pas une rondelle sous la bobine pour la retirer.

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O
Salut Jérémie ! Bravo pour ton article plus que complet. Toujours un plaisir de te lire.
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J
Merci Olive :)<br /> J'arrive bientôt au bout du dossier complet, il ne me reste plus qu'un ou deux articles à écrire, plus courts et ce sera la fin de ce dossier que j'ai démarré l'année dernière.