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Moulinet : comprendre le mécanisme d'oscillation

Chapitre 5 | Le mécanisme d'oscillation est un train d'engrenage secondaire, néanmoins important dans le moulinet pour assurer un bon enroulement du fil. Cet article aborde les technologies couramment employées dans les moulinets modernes.

Principe général

L'oscillation est un mouvement de va-et-vient qui a pour mission d'optimiser la répartition du fil sur la bobine pendant la récupération de la ligne. La bobine monte et descend en face du galet guide-fil de sorte à déplacer le point d'appui du fil tout au long de l'enroulement.

Le mécanisme d'oscillation opère pour cela une transformation du mouvement de rotation (émanant de l'engrenage principal) en translation transmise à l'axe de la bobine (axe principal). Une transformation complémentaire permettant d'adapter la vitesse de la translation et sa régularité est souvent requise pour assurer une distribution homogène du fil sur toute la hauteur de la bobine.

En dépit des apparences, le mécanisme d’oscillation est un assemblage de pièces relativement basique qu'il est aisé de démonter/remonter soi-même (même pour de gros doigts maladroits comme les miens).

Il existe essentiellement deux grandes familles de mécanismes d'oscillation dans les moulinets modernes : les engrenages à came transverse d’une part et les engrenages à vis sans fin d’autre part.

Ces deux approches différentes ont chacune des arguments à faire valoir que nous allons discuter dans la suite.

Oscillation à came transverse

Les mécanismes d'oscillation à roue et came sont les solutions les plus simples et les plus économiques pour convertir la rotation d'une roue en translation.

Pour ce faire, un ergot placé sur la roue évolue dans une came rainurée fixée à l'axe principal du moulinet. Lorsque la roue tourne, l'ergot entraine la came d'avant en arrière et crée un mouvement de va-et-vient de la bobine vissée au sommet de l'axe.

Sur les systèmes les plus anciens, l'ergot était placé directement sur la roue de commande et entrainait une coulisse ou une came droite (voir un exemple dans cette vidéo). Cette solution simpliste demande un faible nombre de pièces et occupe peu d'espace dans le bâti mais produit une oscillation extrêmement rapide où chaque tour de manivelle entraîne une oscillation complète de la bobine (un seul va-et-vient par tour de manivelle).

Pour obtenir un enroulement plus fin du fil, il convient de ralentir le rythme d'oscillation en introduisant un engrenage de réduction de vitesse. Un pignon (petite roue dentée) est ainsi fixé derrière la route de commande (sur le même axe) et transmet le mouvement à une autre roue sur laquelle est déporté l'ergot.

Le mouvement obtenu subit un abaissement de vitesse de rotation lors de la transmission du pignon à la roue à ergot (explications en annexe 1). Ainsi, plusieurs tours de roue de commande (et de son pignon) sont requis pour que l'ergot réalise lui-même un cycle complet (soit une oscillation).

Néanmoins, si l'oscillation est effectivement ralentie et permet un enroulement plus fin du fil, il reste un autre problème à adresser : le mouvement de translation obtenu de cette manière se produit à vitesse variable (voir détails en annexe 2). Un ralentissement du déplacement de la bobine s'observe lorsqu'elle approche la position la plus haute et la plus basse de son cycle.

La variation de vitesse d'oscillation se caractérise par un enroulement hétérogène du fil sur la bobine où les spires se resserrent aux abords des lèvres alors qu'elles sont espacées au milieu de la bobine. La bobine prend alors une allure de sablier avec du fil accumulé davantage en haut et en bas qu'au milieu.

Forme de l'enroulement sur une oscillation de vitesse non régulée (came droite)

Pour corriger ce manque d’homogénéité dans l'enroulement, différentes techniques peuvent être mises en œuvre comme employer une came à rainure courbe ou bien modifier la roue d'oscillation pour lui donner une forme ovale (oscillation elliptique) voire même une forme vaguement carrée (une bizarrerie de l'oscillation Shimano Varispeed).

Came à rainure courbe

La manière la plus courante de compenser les variations de vitesse induites par une came transverse est de modifier sa forme de sorte à accélérer ou ralentir la translation selon la position de l'ergot dans son cycle.

Voici une animation qui compare les mouvements de translation obtenus au moyen d'une came droite et de cames courbes. Alors que la came droite ralentit en fin de course de l'axe (en haut et en bas), les cames courbent accélèrent le mouvement pour éviter l'accumulation de fil sous les lèvres de la bobine.

animation d'un mécanisme d'oscillation de moulinet

L'animation est un peu exagérée pour vous permettre de visualiser aisément l'effet des cames courbes mais dans la pratique les fabricants obtiennent une oscillation plus régulière.

Oscillation elliptique

L’oscillation elliptique aborde le problème de la manière inverse : au lieu de modifier la forme de la came pour compenser les variations de vitesse de l’ergot, on travaille sur la forme des organes de l'engrenage d'oscillation pour rendre homogène la vitesse de déplacement horizontal de l'ergot.

On introduit pour cela une roue ovale et un pignon décentré (nécessaire pour maintenir le contact avec la roue d'oscillation ovale). Exemple ici avec des pièces de chez Okuma.

Quel que soit le modèle d'engrenage utilisé, les mécanismes d'oscillation à roue et came transverse délivrent une vitesse d'oscillation élevée qui induit un enroulement croisé du fil.

Il est en effet difficile de ralentir fortement ce type de mécanisme car l'engrenage de réduction occuperait beaucoup plus de place dans le bâti du moulinet, or la place y est limitée.

Pour ralentir davantage l'oscillation, on fait appel à un autre type de mécanisme : le worm shaft.

Oscillation à double vis sans fin (Worm Shaft)

Parfois désigné sous le nom confus de mécanisme à "double oscillation", l'engrenage à double vis sans fin s'est progressivement imposé sur le marché des moulinets modernes, notamment sur les modèles conçus pour les pêches à longue distance (surfcasting et carpe par exemple).

Fonctionnement

Le principe de fonctionnement de la double vis sans fin est astucieux mais en fin de compte très simple : le mouvement de rotation est récupéré sur le pignon par un petit engrenage qui entraîne à son tour la double vis sans fin (un cylindre gravé d'une rainure hélicoïdale montante et d'une seconde rainure descendante, d'où le terme de "double vis").

La vis sans fin tourne sur elle-même en guidant le sabot d'une came dans ses rainures. Arrivé à une extrémité de la vis, le sabot pivote légèrement pour suivre la rainure opposée et se met à évoluer en sens inverse. La came effectue ainsi un mouvement de va-et-vient transmis à l'axe principal auquel elle est fixée. C'est simple et efficace.

Voici une vidéo qui illustre le mouvement.

Avantages

Ce mécanisme à vis présente plusieurs avantages dignes d'intérêt pour nos moulinets :

Il produit un mouvement de va-et-vient doux, régulier et lent dont le rythme est facilement ajustable par le fabricant (soit en modifiant l'engrenage de réduction qui entraîne la vis, soit en changeant l'angle des rainures).

Le mécanisme occupe peu de place dans le bâti du moulinet car la vis est placée parallèlement à l'axe principal. De fait, le worm shaft s'avère très pratique pour produire des moulinets à grandes bobines qui conservent un bâti de hauteur modérée (la longueur du bâti augmente en revanche avec celle de l'axe qui dépend lui-même de la hauteur de la bobine).

En définitive, la double vis sans fin est le mécanisme idéal pour obtenir un enroulement régulier et fin au moyen d'une oscillation lente, sans pénaliser le poids ni l'encombrement du moulinet.

Worm Shaft à 2 vitesses

En gravant la rainure montante avec un angle différent de la rainure descendante, le fabricant peut obtenir une vitesse légèrement plus élevée à la montée qu'à la descente. Ce type de mécanisme est communément désigné par le terme d'oscillation à 2 vitesses ou à double vitesse.

Voici une image comparative entre un axe worm shaft symétrique à 1 vitesse et un axe worm shaft asymétrique à 2 vitesses. Alors que sur l'axe bleu les croisements des rainures sont parfaitement alignés, sur l'axe orange on observe un décalage et une inclinaison qui s'explique par un nombre inégal de spires montantes et de spires descendantes.

Moulinet : comprendre le mécanisme d'oscillation

L'axe worm shaft à 2 vitesses permet de modifier l'angle des spires de fil enroulées sur la bobine à chaque couche. Ainsi on entend renforcer l'assise du fil pour éviter le chevauchement de spires.

Le phénomène de chevauchement concerne davantage les tresses mais peut aussi se manifester avec des nylons fins. Il se produit lorsqu'une spire de la couche supérieur s'intercale entre des spires inférieures, généralement sous la pression d'un effort important (comme tirer sur le fil quand on est accroché au fond).

Annexes

[1] Réduction de vitesse dans un engrenage

Pour réduire la vitesse de rotation au moyen d'un engrenage il est nécessaire d'augmenter la taille de l'organe de sortie afin que le "rapport de transmission" soit inférieur à 1.

Un rapport de transmission inférieur à 1 signifie que chaque tour de l'organe menant entraine moins de 1 tour de l'organe mené. Cette configuration se produit lorsque le pignon (la petite roue) être menant et la roue (plus grande) est menée. Ainsi quand le pignon réalise un tour complet, la roue qui possède un plus grand nombre de dents n'en a pas encore terminé un, la vitesse de rotation a donc été abaissée.

Néanmoins, obtenir un grand facteur de réduction par le biais d'un seul engrenage demande une importante différence de taille entre les organes, ce qui occupe de fait beaucoup de place (beaucoup trop de place pour un moulinet).

La solution consiste donc à déporter et chaîner les opérations de conversion pour limiter l'espace occupé par le mécanisme. Pour cela, on utilise des roues solidaires d'un arbre qui tournent ensemble sur le même axe.

A chaque tour de l'axe, les roues réalisent elles aussi un tour complet. Leur vitesse de rotation est la même (même vitesse angulaire). Cependant, les circonférences des roues étant différentes, la plus petite des deux (le pignon) réalise un parcours inférieur à la plus grande. Si les dentures sont de même taille (même module) alors la petite roue déplace moins de dents que la grande à chaque tour, la progression mécanique est donc moindre. Ainsi, on parvient à réduire fortement la vitesse d'un engrenage sans avoir besoin d'une roue aux dimensions démesurées dans le mécanisme.

[2] Variation de la vitesse de translation par une came droite

La conversion d’un mouvement rotatif en translation par le biais d’une came transverse droite génère un mouvement dont la vitesse est variable.

Voici un schéma qui illustre cette notion contre-intuitive de variation de vitesse.

Le cercle intérieur représente le circuit de l'ergot (ici en vert). Son déplacement selon un axe horizontal est représenté à l'aide de flèches. Seul l'axe horizontal nous intéresse ici car nous cherchons à visualiser l'évolution du mouvement de translation que réalisera une came droite guidée par l’ergot.

Les deux arcs de cercles du schéma sont parfaitement égaux (même longueur). À vitesse de rotation constante, l'ergot passe autant de temps à parcourir l'arc rouge que l'arc bleu.
Cependant, lors du parcours de l'arc rouge, l'ergot se déplace très peu à l’horizontal (il se déplace surtout à la verticale) alors qu'il se déplace davantage à l’horizontal lors du parcours de l'arc bleu. La vitesse horizontale de la came entraînée par l’ergot change donc selon la position dans le cycle de l’ergot.

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