17 Juin 2016
Dans cet article je vous propose de découvrir le ver de sable (ou cordelle), l'un des appâts les plus nobles et raffinés du surfcasting en mer Méditerranée.
Nom scientifique : famille des Lumbrineridae
Comme beaucoup de pêcheurs en bord de mer, je le considère comme l'appât roi de la Méditerranée (c'est une question de point de vue).
Également connu sous le nom de Cordelle ou ver miracle, cet appât fin et délicat est très utilisé en compétition mais il est souvent délaissé par les pêcheurs de loisir en raison de sa fragilité et surtout de son prix élevé. Le ver de sable est en effet vendu à prix d'or (comptez en moyenne 11€ la boite de 10 vers ramassés localement).
On trouve dans le commerce plusieurs variétés de vers de sable, toutes très similaires mais issues de provenance différentes. Ainsi on distinguera les vers importés des vers récoltés dans la région du magasin ou du lieu de pêche (dits "vers de pays").
Parmi les vers importés vous pourrez trouver couramment la Cordelle de Naples (Lumbrineris luti) et les vers espagnols comme la Cordelle Catalane "Lombriz Catalana" (Lumbrineris latreilli). Il est parfois difficile pour le pêcheur de faire la différence car les espèces sont présentes dans toute la Méditerranée et peuvent être importées sous l'une ou l'autre de ces deux appellations.
Depuis que je récolte des vers, j'ai pu identifier plusieurs espèces différentes qui présentent de petites différences morphologiques, des teintes différentes et des odeurs également différentes :
Espèce | Caractéristiques |
---|---|
Vers beiges et orangés | Corps épais et long. Un seul ver permet de charger plusieurs hameçons. Longueur comprise entre 25 et 70cm (100cm en extension). Tête brune trapue. Plus le ver est gros, plus sa tête est foncée. Fluide (sang) brun qui laisse des traces orangées sur les doigts. Plus le ver tache les doigts, plus il est attractif. |
Vers rouges | Corps fin à moyennement épais. Longueur comprise entre 15 et 50cm. Tête rouge à rouge foncée. Ils dégagent une odeur particulière* Plus le vert sent fort, plus il est attractif. |
Vers roses | Corps plus fins que les autres espèces. Longueur comprise entre 15 et 30cm. Tête très fine et longue qui arbore des couleurs bleutées. Les plus jeunes ont également la queue bleutée. Très grande attractivité mais de plus en plus rare. |
Vers bruns trapus | Corps épais et trapu compris entre 10 et 20cm. La tête est brune, le corps est brun avec des reflets dorés à cuivré. Les fluides corporels sont laiteux Espèce très fragile qui se déchire facilement. Ils vivent généralement dans peu de sable au milieu des graviers. Grande attractivité. |
Vers bruns à soies rouges | Corps épais muni de soies rouges qui les fait ressembler un peu à un mouron. Longueur comprise entre 20 et 40cm. Tête brune trapue. La peau est particulièrement dure. Fluide (sang) brun qui laisse des traces orangées sur les doigts. Cette espèce est plus rare que les autres. |
Une autre caractéristique physique commune à toutes les espèces est la présence de reflets irisés qui apparaissent sous certains angles de vue.
Il existe une espèce de ver, de couleur brune à verdâtre, très fine et dotée d'une peau très dure. Vous le reconnaîtrez à sa façon de s'entortiller en forme de tire bouchon.
Ce ver est sans intérêt pour la pêche. Je n'ai jamais pris un seul poisson avec...
Les vers de sable ont parfois une odeur très spéciale qui semble varier selon l'espèce, le lieu et la période de récole. Ainsi, parmi les individus de même espèce, certains dégagent une forte odeur et d'autres ne sentent presque rien.
Les odeurs en question sont difficiles à décrire pour qui n'en a jamais fait l'expérience mais on identifie communément des notes olfactives rappelant : l'anis, l'asperge sauvage ou encore la crevette grillée.
On trouve les vers de sable principalement au pied des rochers ou des digues. Inutile de demander à quelqu'un de vous dire où il trouve les siens, les bons coins à vers de sable sont secrets et doivent le rester. Ne partagez l'information qu'avec des gens de confiance au risque de voir votre coin pillé par quelqu'un d'autre.
Récolter les vers peut se faire de deux manière :
Je déconseille l'usage de la bêche qui a pour inconvénient de casser beaucoup de vers, de plus elle limite votre prospection aux abords des rochers.
Je ramasse mes vers exclusivement à la main en ventilant le sable au pied des rochers. Pour cela il faut s'équiper d'un masque, d'un tuba et souvent d'une combinaison pour tenir dans l'eau suffisamment longtemps. Une ceinture ou un baudrier de plomb vous aideront à rester stable face aux vagues.
Ramasser à la main demande une mer calme et claire. Le ramassage est très difficile lorsque la visibilité est réduite ou que le courant et la houle se lèvent.
Vous repérerez la présence des vers par les lamelles de sable collé qu’ils laissent derrière leur passage. Il est parfois nécessaire d'insister au point d'avoir le bras complet enfoncé dans le sable, c'est donc un procédé physique mais plus respectueux de l'environnement.
En ventilant énergiquement le sable, les vers vont remonter. Il suffit alors de les ramasser un par un avec délicatesse. Regardez bien autour de vous et ne tardez pas à ramasser les vers car ils peuvent vite retourner se cacher sous le sable ou être les victimes des crabes et poissons qui seront attiré par le sable que vous soulevez.
Voici deux vidéos très bien faites qui présentent la technique que j'utilise pour ramasser les vers.
Ramassage par Patrick PIEYRE | Ramassage par Jérôme LOMONACO |
Soyez respectueux de l’environnement et ne récoltez pas à outrance. Limitez-vous au nombre de vers qui satisfera votre besoin et celui de vos amis pour quelques sorties. Inutile de ramasser 400 vers si vous n’allez pêcher que deux fois dans le mois.
La conservation des vers de sable est un peu fastidieuse car elle nécessite de maintenir la température entre 12 et 16°. L'utilisation d'une cave à vin est vivement recommandée pour ne pas dire nécessaire.
Les boites de vers du commerce pourront être conservées telles quelles dans la cave à vin jusqu'à dix jours à la condition de retirer au plus vite les vers coupés et de ne pas laisser baigner les vers dans le sang des autres.
Pour conserver vos vers longtemps, il est préférable de les retirer de leur boite et de procéder de la même manière que des vers récoltés : conservez les dans un seau d'eau de mer avec un fond de sable.
Il est primordial d'aérer l'eau du seau au moyen d'un aérateur (bulleur) branché en permanence et de placer le seau dans la cave à vin. Retirez immédiatement du seau tous les vers morts ainsi que les queues sectionnées, faute de quoi votre eau va tourner et tous les autres vers vont dépérir. Idéalement, stockez les queues coupées dans un second seau d'eau lui aussi aéré. Certaines queues survivent assez longtemps pour les utiliser lors de votre prochaine sortie.
De cette manière vous pourrez conserver vos vers plusieurs semaines. J'ai pu garder les miens pendant 4 mois en changeant l'eau toutes les 2 à 3 semaines.
Un bulleur et une cave à vin permettent de conserver le vers pendant plusieurs semaines.
Le ver de sable est un appât de premier choix pour la pêche du marbré, mais il intéresse aussi les autres sparidés comme la dorade ou le sar. Les loups ne refusent pas non plus un ver de sable.
Redoutable en début de saison (de mars à mai), le ver de sable est aussi très efficace pendant les nuits d'été et en fin de saison (octobre, novembre) sur le lever ou coucher de soleil.
Malgré sa fragilité apparente, ce ver est une esche qui tient très bien à l'hameçon et peut encaisser des lancers très appuyés.
Dernier intérêt et non des moindres, il est possible d'en ramasser soi-même. L'économie réalisée en fin d'année s'élève à plusieurs centaines d'euros pour un pêcheur assidu.
Le ver de sable est donc un fantastique appât à bien des égards. Il s'agit d'ailleurs de mon appât favori, très loin devant tous les autres. Si le ver de sable ne fait pas partie de vos appâts habituels, alors je vous encourage vivement à (re)faire un essai, surtout en début et fin de saison.
L’eschage du ver de sable demande un peu de pratique et l'utilisation d'une aiguille longue et fine. J'utilise des aiguilles creuses sans pointe de 0.6 à 0.9 mm d'épaisseur et d'une longueur de 30cm à 40cm.
Sablez vos doigts pour éviter que le ver ne vous glisse des mains, puis piquez-le au-dessous de la tête. Ne piquez jamais un ver de sable par la queue car il aura tendance à se sectionner en plusieurs tronçons. C'est un mécanisme de défense qui lui permet d'échapper aux prédateurs (cet automatisme se nomme "autotomie").
Faites le monter progressivement sur l'aiguille en le poussant du bas vers le haut pour éviter qu'il ne se brise. Malgré toute votre vigilance, il arrivera parfois que des vers se sectionnent (ce n'est pas bien grave).
Enfilez enfin votre ver sur l'hameçon en faisant encore attention de ne pas le briser. Vous avez deux possibilités : enfiler le ver sur l'hameçon par la tête ou bien par la queue. Je préfère pour ma part enfiler les vers sur l'hameçon en commençant par la queue de sorte qu'ils aient la tête sur l'hameçon. C'est la raison pour laquelle j'utilise principalement des aiguilles creuses à deux trous.
N'hésitez pas à couper les vers les plus longs en deux ou trois sections pour charger plusieurs hameçons, surtout s'ils sont de gros diamètre. Outre l'aspect économique, un tronçon de ver de 15 à 20cm est très attractif et tient beaucoup mieux à l'hameçon lors du lancer qu'un ver de 50cm enfilé en entier.
Pour ces raisons, je partage souvent un même ver avec les deux hameçons d'un montage à deux empiles (mon favori pour la pêche au ver de sable).