14 Mai 2024
Voici une méthode pour redonner de la matière à des emmanchements qui s'emboitent trop profondément pour cause d'usure ou de malfaçon.
Bonjour à tous,
Il y a quelques années j'avais abordé différentes solution d'entretien des emmanchements essentiellement pour éviter qu'ils ne se bloquent et ralentir leur usure (voir l'article ici). Seuls les spray au graphite présentés à la fin de l'article permettaient de redonner de la matière à un emmanchement mâle usé.
Aujourd'hui je vous présente deux solutions faciles à trouver dans le commerce et économiques pour redonner de l'épaisseur à un emmanchement amaigri.
Une image vaut souvent mieux qu’un long discours alors voici une photo qui illustre très bien le problème posé : l’emmanchement n’a plus aucune marge d’usure et s’emboîte beaucoup trop profondément, jusqu'à la garde.
Ce que l'image ne montre pas est le flottement de mon brin mâle dans le brin femelle. On peut le sentir vibrer lorsqu’on secoue la canne avec énergie. Ce flottement trahit un manque de contact entre les brins qui peut entraîner un déboîtement inopiné pendant le lancer, voire une casse. Il est donc urgent de corriger la situation en redonnant de l’épaisseur au brin mâle.
Avant de chercher à rénover le brin mâle, il convient de le nettoyer correctement pour éliminer la poussière qui pénaliserait l'adhésion du produit épaississant. J'utilise pour ce faire un chiffon doux en microfibre prévu pour les vitres.
Si vous aviez traité le brin au spray de graphite alors retirez le en imbibant le chiffon d'un peu d'alcool à bruler ou d’alcool ménager. L'alcool retire la couche de graphite sans effort et offre l'avantage de sécher très vite, sans laisser de résidu sur le brin.
Après nettoyage, je pose du ruban adhésif de masquage pour délimiter parfaitement la section à traiter, éviter tout débordement et surtout protéger les finitions du brins (peinture et vernis).
Une fois le brin nettoyé et la zone de travail bien délimitée, on peut attaquer le traitement d’épaississement.
Ayant deux cannes identiques à rénover, j'ai employé une méthode différente pour chacune afin d'illustrer l'article. La première sera épaissie à l'aide d'un vernis, la seconde au moyen d'une colle cyanoacrylate.
Cette première solution est la plus simple à mettre en œuvre et peut, selon le vernis choisi, s'avérer aisément réversible en cas de bêtise. Certains vernis sont en effet faciles à dissoudre au moyen de white spirit (sans danger pour la canne) ou d'acétone (avec précaution).
Un produit particulière intéressant à considérer est le vernis conducteur au graphite tel que présenté dans un article du magazine La Pêche et les Poissons (Merci à Albert pour avoir déniché cet article).
Ce type de produit peut également être désigné par les noms "peinture conductrice au graphite", "laque conductrice" ou encore "vernis graphité".
Pour l'exercice, j'ai utilisé un vernis incolore en bombe que j'avais de côté. Ce n'est sans doute pas le produit le plus approprié pour résister aux frottement des brins mais je me suis contenté de ce que j'avais à portée de main pour l'exemple.
L'application en spray permet de procéder par fines couches successives et réduit le travail d'ajustement après épaississement. Si vous vous débrouillez bien, il est même possible de tomber juste en quelques couches sans travail supplémentaire.
Après deux couches de vernis et un séchage d'une nuit, mon brin a retrouvé de l'épaisseur et une marge d'usure honorable. Le contact entre les brins est rétabli et je ne ressens plus aucune vibration parasite en secouant la canne.
Cette seconde solution est plus durable que la précédente mais demande davantage de travail et de minutie pour éviter les bavures disgracieuses.
On applique de la colle cyanoacrylate liquide sur le brin mâle que l'on va répartir uniformément et lisser au moyen d'un film en plastique ou de papier glacé.
Contrairement au vernis en bombe dont les couches sont très fines, la colle même lissée avec soin forme une pellicule plus épaisse qui peut empêcher les brins de s’emboiter (pas de panique, c’est courant et normal). Après séchage complet de la colle (que l'on peut accélérer par un activateur), on va donc devoir corriger l'excédent d'épaisseur par ponçage.
Plus la colle que vous aurez choisie sera fluide (viscosité basse) et moins la couche sera épaisse donc plus faible sera le travail d'ajustement. Il va sans dire que les colles en gel sont inappropriées pour cet exercice.
Soyez aussi précis que possible dans l'application de la colle pour éviter qu'elle n'entre en contact avec le ruban de masquage faute de quoi celui-ci va rester collé, se déchirer et laisser des résidus lors du retrait. D'ailleurs, en y repensant, il aurait été judicieux d'utiliser du ruban d'isolation électrique en pvc pour contenir la colle plutôt que du ruban de masquage en papier... (nous apprenons tous de nos erreurs).
Autre point d'attention : La colle est parfois si rapide à prendre que l'on n'a pas toujours le temps de la lisser parfaitement. C'est ce qui m'est arrivé ici, les conditions climatiques du jour étant particulièrement favorable à la polymérisation de la colle. Les irrégularités seront rattrapées aisément lors du ponçage.
Après le traitement d’épaississement (colle, vernis ou résine), on termine la rénovation en éliminant l’excédent de matière pour ajuster le diamètre du brin. L'objectif est d'obtenir un contact ferme, sans devoir forcer pour assembler ou démonter les brins de canne.
On procède pour cela par ponçage au moyen de papier de verre de grain très fin (240) à extra-fin (400 et plus) ou bien de laine d'acier fine (000) à extra fine (0000).
La laine d'acier me parait un peu plus facile d'utilisation que le papier abrasif (car elle est plus souple) mais je garde une petite préférence pour le papier malgré tout. Pour poncer de manière uniforme avec le papier, je forme un tube autour du brin que je maintiens à l'aide d'élastiques. Il me suffit ensuite de faire rouler le brin de canne dans le tube d’abrasif pour obtenir un ponçage uniforme (ou presque).
Avant de démarrer le ponçage, j'ajoute du ruban de masquage pour protéger la marge d'usure que je souhaite conserver (en violet sur la photo). Soyez vigilant sur le fait de ne pas laisser trop de marge car plus celle-ci est grande et moins le brin mâle est emboité dans le brin femelle, ce qui peut finir par entrainer une casse au lancer.
Procédez au ponçage avec précaution, par petits paliers. Contrôlez très régulièrement la progression en essayant d’emboîter les brins de canne. Mieux vaut prendre son mal en patience et répéter plusieurs fois l’opération que de vouloir gagner du temps en ponçant trop vigoureusement le brin au risque de devoir devoir tout recommencer.
La finition du ponçage peut demander de travailler avec plus de précision pour éliminer une bosse qui entrave l’emboîtement. Dans ce cas, je forme une petite bague d'abrasif qui me permet poncer exactement à l'endroit qui coince. En travaillant de la sorte, je fais progresser l’emboîtement petit à petit sans risque de poncer en excès une section déjà ajustée.
5 à 10min de travail suffisent à obtenir un résultat satisfaisant. Les brins s'emboitent à la perfection avec fermeté et sans jeu parasite. L'aspect esthétique est correct sans être parfait mais le plus important est que la canne a retrouvé un état fonctionnel.
Je reconnais volontiers que quiconque un tant soit peu méticuleux pourra obtenir une finition bien plus nette et soignée.
En utilisant un papier de verre plus fin, j'aurais sans doute obtenu un aspect plus lisse, raison pour laquelle je vous recommande un grain d'au moins 400 (et plus encore).
Là encore, j'ai pris ce que j'avais sous la main car l'esthétique du brin mâle m'importe finalement peu puisqu'il est caché lorsque la canne est montée. Le plus important est que l'emmanchement soit fiable. Sur ce point précis, le contrat est parfaitement rempli.
Après les travaux pratiques, vient l'heure du bilan car je me doute que vous souhaitez savoir laquelle des deux solutions est meilleure que l'autre.
La colle est la solution qui s'est révélée la plus fiable, probablement parce que mon vernis n'était pas de grande qualité (il faut le reconnaître). Mon vernis a tendance à s'écailler sous la friction des brins si bien qu'il me faudra sans doute refaire le traitement à la fin de la saison. On distingue très bien les zones écaillées sur les photos ci-dessous.
Un vernis de meilleure qualité et plus dur comme les produits de carrosserie donnerait très certainement un résultat plus convaincant à la condition de savoir le choisir correctement. Entre les vernis acrylique, polyuréthane et époxy, je suis un peu perdu et hésite à refaire une tentative alors que la colle fonctionne très bien pour un prix bien plus modique. Quoi qu'il en soit, le vernis en spray reste l'option la plus pratique à appliquer mais la plus longue avant d’obtenir le résultat final car le temps de séchage est bien supérieur à celui de la colle.
Cela fait plusieurs années que j'utilise la colle et même s'il m'arrive de laisser échapper quelques bavures de temps en temps, je reste satisfait et confiant du résultat. La colle adhère parfaitement au brin et résiste à l'emboitement sans s'écailler pendant des années. Aucune des cannes que j'ai restaurées à la colle n'a nécessité de rénovation supplémentaire.