4 Février 2018
Cet article aborde la question de la marge d'erreur à laquelle s'attendre lorsque l'on estime sa distance de lancer au moyen d'un compteur métrique.
Bonjour à tous,
Voici un nouvel article dont l’idée m’est venue à la suite d’un entraînement au lancer qui a soulevé quelques questions quant à la manière d'estimer la distance de lancer lorsqu'on lance à l'eau.
Par l'expérimentation et par le calcul je vais vous démontrer dans cet article qu'il est possible d'estimer sa distance de lancer avec un niveau de précision tout à fait décent.
Lors d'une séance d'entraînement au lancer organisée par mon club sur une plage, je me suis amusé à évaluer la distance de mes jets au moyen d’un compteur de ligne.
La présence de ce petit compteur métrique a déclenché un débat entre nous quant au degré de fiabilité de la mesure et à la pertinence de s'en servir pour évaluer une distance de lancer.
Mesurer le fil après avoir pris soin de le tendre n'est pas tout à fait équivalent à une mesure de distance sur un terrain. Nous le savons bien, mais nous n'avons pas véritablement d'autre solution à notre disposition pour estimer nos distances lorsque nous lançons dans l'eau. Car c'est bien de cela qu'il s'agit : une estimation avec une marge d'erreur suffisamment réduite pour que l'évaluation soit acceptable et surtout bien plus précise qu'un comptage des tours de manivelle (autre problème mathématique qui fera l'objet d'un prochain article).
Se pose alors le problème de calculer cette marge d’erreur pour savoir si nous parlons d'une fourchette tolérable de 3-4m ou bien de plusieurs dizaines de mètres comme le prétendent certains pêcheurs (une position avec laquelle je suis en total désaccord).
Il n’en fallait pas moins pour éveiller mon esprit scientifique et mon envie de tordre le cou aux idées reçues : à l'aide de quelques expériences, d’hypothèses et de calculs, j'ai pu évaluer la marge d'erreur en question et démontrer qu'elle est globalement négligeable dans une grande majorité de cas.
Avant de jouer avec les calculs il me semble important de remettre un peu les notions de "distances" dans leurs contextes respectifs.
La distance de lancer désigne la distance qui sépare le pêcheur du point d’impact du plomb, ce quel que soit l’orientation du jet. Il est question d'évaluer l'aptitude du lanceur à propulser le plomb le plus loin possible mais pas forcément en face de lui.
La distance de lancer est mesurable avec précision sur un terrain, raison pour laquelle les épreuves sportives de lancer se déroulent sur la terre. Le procédé de mesure est alors comparable à celui des épreuves d’athlétisme comme le lancer du javelot.
La distance de pêche désigne la plus courte distance qui sépare la ligne du rivage lorsque celle-ci est en action de pêche.
Si le pêcheur à jeté sa ligne en biais ou qu'il a tracté son plomb sur quelques mètres pour bien tendre son fil alors la distance de pêche est forcément inférieure à la distance de lancer.
Avant de clore ce chapitre de rappel, il convient de souligner que la distance atteinte lors d'un entraînement de lancer (sans montage de pêche) n'est pas représentative de la distance que vous atteindrez en condition de pêche. Elle en est même très éloignée.
Une ligne de pêche avec ses accessoires, ses empiles (bas de ligne) et ses appâts oppose une résistance à l'air beaucoup plus importante lors du vol qu'un plomb seul lancé à l’entraînement. Le jet perd inévitablement de sa longueur lorsqu'on propulse une ligne de pêche.
Comme évoqué un peu plus haut, mesurer la longueur de fil récupérée après le lancer (la bannière) n’est pas une méthode jugée fiable pour connaître la distance de lancer car plusieurs facteurs viennent introduire des marges d'erreurs :
A ce stade de l'article nous ne savons pas encore dire à quel point ces différents facteurs crée un écart entre la distance de lancer et la longueur mesurable de bannière. Impliquent-ils un surplus de l'ordre de la dizaine de centimètres, du mètre ou de la dizaine de mètres ? Place maintenant aux calculs pour le déterminer.
La profondeur de l'eau est assimilable à une notion de hauteur au même titre que la longueur de la canne (tenue à la verticale). Nous pouvons donc les combiner dans les calculs.
En effet, on peut mathématiquement considérer la profondeur de l'eau comme de la longueur supplémentaire ajoutée à la canne. Le schéma ci-dessous permet d'éclaircir cette notion.
J'ai considéré que la pointe de la canne culminait à 5m lorsqu'elle est prise en main par le pêcheur et j'ai ajouté la profondeur de l'eau. A 0m de profondeur, nous avons donc 5m de hauteur de canne dans les calculs, puis la hauteur augmente avec l'ajout de profondeur. La distance de lancer considérée dans les calculs varie de 80m à 200m.
Pour déterminer la longueur de fil correspondant à la distance de lancer et à la profondeur, j'ai simplement fait appel au théorème de Pythagore : la bannière représente l'hypoténuse d'un triangle rectangle dont on connaît la longueur (distance de lancer) et la hauteur (canne + profondeur).
Il ne reste plus qu'à comparer la longueur du fil à la distance de lancer pour connaître l'ampleur de la marge d'erreur que représente la mesure de la distance de lancer au moyen de la bannière. Les résultats des calculs sont reportés dans la table ci-dessous.
Le calcul de la longueur de la bannière à partir de la hauteur de la canne, de la profondeur de l'eau et de la distance de lancer n'est ni plus ni moins que le calcul de l’hypoténuse d'un triangle rectangle.
Le triangle en question, rectangle en B sur la figure, est composé des trois cotés suivants :
Le théorème de Pythagore nous apprend que le carré de l’hypoténuse d'un triangle rectangle est égale à la somme des carrés des deux autres cotés.
AB² + BC² = AC²
(Canne + Profondeur)² + (Distance de lancer)² = (Longueur de fil)²
Longueur de fil = √( (Canne + Profondeur)² + (Distance de lancer)² )
On termine le calcul en cherchant l'écart entre la mesure du fil et la distance réelle.
Marge d'erreur = (Distance de lancer) - (Longueur de fil)
Les résultats révèlent que l'écart de longueur théorique entre la longueur de bannière et la distance de lancer est très faible. La moyenne des calculs nous donnent une valeur de 68cm d'excédent pour des distances de lancer de 80m à 200m et pour des profondeurs variant de 0 à 15m.
Les plages du Languedoc que je fréquente sont généralement peu profondes et varient entre 2m et 4m de fond. Si je restreint la plage de valeurs aux profondeurs des plages du Languedoc alors la différence de mesure entre la distance de lancer et la bannière n'est plus que de 25cm en moyenne (soit 0.18%).
Conclusion : Longueur de la canne et profondeur de l'eau ont une influence négligeable en surfcasting sur la mesure de la distance de lancer au moyen de la longueur de la bannière.
Assimilable à un arc de cercle lorsqu'elle est gonflée par le vent et le courant, la bannière présente une forme courbe que l'on appelle parfois le "ventre".
La bannière courbe est plus longue que la distance rectiligne qui sépare votre canne de votre plomb. Plus longue certes... mais de combien ?
Déterminer l'écart entre la longueur de la bannière et la distance de lancer est possible avec un peu de trigonométrie. Il suffit pour cela travailler avec les propriétés d'un arc de cercle.
Nous avons besoin pour cela de définir une distance théorique de lancer (de 80m à 200m) et une longueur de déviation de la bannière par rapport à la perpendiculaire à la plage (de 1m à 15m).
Les valeurs de déviation les plus faibles sont plausibles, mais les plus élevées sont absurdes car énormément exagérées. Jamais une bannière tendue ne pourra dévier de 5m et plus.
Calculer la longueur de la bannière revient à calculer la longueur d'un arc de cercle.
Dans ce calcul, la distance de lancer sera la corde de l'arc de cercle.
La flèche de l'arc de cercle est définie par une valeur en mètre qui représentera la déviation de la bannière provoquée par l'effet du vent et du courant.
La longueur d'un arc de cercle est calculée à partir d'un angle et du rayon du cercle auquel appartient l'arc. Nous devons donc calculer le rayon et l'angle pour obtenir le résultat attendu.
Rayon = Fleche/2 + ( Corde² / (8 * Fleche) )
Une fois le rayon connu, on peut calculer l'angle.
Angle = 2 * ASIN( Corde / (2 * Rayon) )
A présent, on peut calculer la longueur de la bannière et on peut même en déduire une équation qui ne contienne que les deux paramètres connus : la corde et la flèche.
Arc = Rayon * Angle
Arc = Rayon * [ 2 * ASIN( Corde / (2 * Rayon)) ]
Arc = [ Fleche/2 + ( Corde² / (8 * Fleche)) ] * [ 2 * ASIN( Corde / (2 * Rayon)) ]
Cette fois encore, les résultats obtenus tendent à montrer que la longueur de bannière présente un écart modéré avec la distance réelle de lancer. Il faut atteindre une déviation latérale de 7m pour que l'écart moyen de longueur atteigne 1m.
Je ne sais pas si vous vous rendez compte mais 7m de déviation est tout simplement énorme ! Par temps calme et vent modéré, votre bannière ne déviera pas de la droite canne-plomb de plus de 1 ou 2m. Dans ces conditions, l'écart moyen n'excède pas 10cm soit 0.06%.
Conclusion : La déviation de la bannière ne fausse la mesure de la distance que de quelques centimètres.
J'ai déjà évoqué dans un article précédent que les nylons présentent une capacité d'étirement de 15 à 30% avant de se rompre. Je dois tout de même compléter cette affirmation en précisant que la plupart des nylons modernes ne dépassent pas 20% d'étirement.
Nous nous doutons bien que ramener un plomb seul ne provoque pas un étirement significatif du fil (sinon nous ne serions pas prêt de sortir un poisson de l'eau).
Intégrer un paramètre d'étirement dans les calculs est assimilable à une démarche de réflexion par l'absurde qui vise à rendre l'étude complète en tout point. Ainsi, en réalisant des calculs avec des hypothèses exagérément pénalisantes dont les résultats sont quasiment insignifiants, je mets en évidence le ridicule écart de mesure auquel s'attendre en conditions réelles.
Pour les calculs d'étirement, j'ai fixé l'allongement du fil à un maximum de 20%. J'ai ensuite considéré que seul le poids du plomb et son frottement sur le fond peuvent occasionner un étirement du fil. J'exclue volontairement la présence d'obstacle pouvant accrocher le plomb lors de la récupération, faute de quoi le facteur d'étirement devient impossible à calculer.
Dans ces conditions, plus le poids du plombs est élevé et plus celui-ci provoquera l'étirement du fil lors de la récupération de la ligne. Réciproquement, plus la résistance du fil est importante et moins celui-ci sera sujet à étirement pour un poids de plomb donné. J'émets donc l'hypothèse que l'étirement maximum de 20% est atteint à la limite de rupture du fil qui correspond à sa résistance en kg. Par exemple, un fil de 3kg de résistance s'étire de 20% s'il tracte un plomb de 3kg.
L'étirement du fil lors de la récupération du plomb est ensuite calculé de manière proportionnelle à sa résistance, sur la base des poids de plombs couramment utilisés en surfcasting (100g, 125g et 150g).
Exemple : Si un fil de 3kg de résistance s'étire de 20% avec un poids de 3kg, alors un plomb de 150g qui représente 1/20ème de 3kg étire 20 fois moins le même fil. Le coefficient d'étirement est donc de 1/20 de 20% = 1%.
En admettant que l'étirement du nylon par un plomb de masse connue soit proportionnelle à la résistance du fil, et sachant que la résistance maximum du fil est obtenue avec un allongement maximum connu, alors on peut estimer l'allongement causé par le poids d'un plomb de surfcasting.
Pour ce calcul j'ai fixé à 20% la longueur maximum de l'étirement que peut supporter le fil avant de se rompre. Je considère qu'il s'étire progressivement jusqu'à se rompre lorsqu'il atteint sa limite de résistance exprimée en kg.
Le calcul est réalisé comme suit :
Étirement% = Étirement_Max * (Poids_Plombs_kg / Résistance_Fil_kg)
Étirement% = 20% * (Poids_Plombs_kg / Résistance_Fil_kg)
Les calculs nous donnent une moyenne de 0.47% d'allongement pour des plombs compris en 100g et 150g et des lignes dont la résistance réelle est comprise en 2.5kg et 10kg.
Dans la réalité, nous pouvons nous attendre à ce que l'étirement du fil soit encore plus faible au point de passer pour insignifiant.
Conclusion : L’étirement du fil est négligeable et n'engendre pas d'erreur de mesure significative.
Individuellement, les trois contraintes évaluées plus haut ont un impact négligeable sur l'écart de mesure entre la longueur de la bannière et la distance réelle de lancer.
Dans la grande majorité des cas, l'écart entre la mesure et la réalité ne devrait pas dépasser 2% d’excédent, mais pour le confirmer j'ai réalisé deux dernières séries de calculs en cumulant tous les paramètres en même temps.
La première série de calculs vise à refléter les conditions réunies lors de mes entraînements et notamment celles de la vidéo au bas de l'article :
La seconde série est une exagération dans laquelle j'ai divisé la résistance du fil par 2 pour accroître son étirement et augmenté la courbure de la bannière en multipliant par 3 la déviation. Ces conditions improbables ne servent qu'à observer les conséquences sur les calculs.
D'après les calculs, la mesure réalisée avec le compteur de ligne lors de mes entraînements est valable à 1m près.
La marge d'erreur calculée sur la base de contraintes exagérées reste également faible avec moins de 3m de différence moyenne entre la mesure de la bannière et la distance réelle de lancer.
Les calculs confirment parfaitement que mesurer la bannière est une manière tout à fait acceptable d'évaluer la distance d'un lancer, avec une marge d'erreur quasiment négligeable.
J'ai toujours défendu l'idée que l'écart entre la distance de lancer et la longueur du fil était suffisamment faible pour que l'on puisse les considérer sensiblement équivalentes. Cela me semble d'autant plus logique quand on pense à la lisibilité des touches. En effet, si vous aviez 10m de fil à la dérive alors vous ne seriez pas près de voir les touches et pourtant vous avez dû remarquer que l'on parvient à détecter les touches de petits poissons.
Je dois tout de même reconnaître être agréablement surpris de trouver des écarts aussi faibles entre la mesure et la réalité. Je m'attendais à constater une marge d'erreur comprise entre 2m et 4m or les calculs mettent en évidence différence est bien plus mince lors de mes entraînements
Je ne peux pas affirmer que mes hypothèses soient sans faille, de ce fait je laisse à chacun le soin de se faire sa propre opinion au sujet de mon approche mathématique de la question. Si vous avez trouvé une erreur importante dans mon analyse ou mes calculs alors n'hésitez pas à me laisser un commentaire.
Pour terminer je tenais à rappeler qu'en dehors des compétitions officielles, presque personne n'est équipé pour mesurer précisément la distance d'un lancer sur terrain. Pour ce faire, vous devez disposer d'un télémètre laser et non d'un GPS.
La mesure du terrain au moyen d'un GPS est très aléatoire d'un modèle à un autre. Les produits destinés aux courses d'orientation peuvent offrir une précision à 2 ou 3m mais la plupart des modèles grand public ne sont fiables qu'à 5m ou 10m près (cas de la majorité des smartphones).
En considérant que votre GPS peut commettre une erreur de 5m sur l'emplacement exact du point de départ et de celui d'arrivée, votre mesure au GPS est potentiellement fausse de 10m. Donc finalement, vous entraîner en lançant à l'eau avec un compteur de ligne est certainement la méthode la plus fiable qui soit à votre portée.