16 Juillet 2017
Lorsqu'on capture un poisson il faut rapidement faire un choix entre le prélever et le relâcher. Si la réglementation nous impose de respecter certaines mailles, elle ne donne aucune autre limite ou recommandation sur le comportement à avoir en cas de capture (exception faite des espèces protégées).
La bonne conduite à adopter est avant tout une question de valeur personnelle et vous trouverez toujours quelqu'un pour contester votre manière de procéder. Il n'est pas rare de voir des commentaires négatifs et méprisants à l'encontre d'un pêcheur qui poste une photo de sa pêche sur les réseaux sociaux. On lui reproche souvent d'avoir gardé des prises trop petites ou trop de nombreuses.
Etant moi aussi victime de ce genre de critiques et ne cherchant pas à imposer ma vision des choses, je vous donne ici quelques repères pour vous aider à vous forger votre propre ligne de conduite et faire preuve d'un peu de compréhension envers les autres.
J'ai longtemps pratiqué le no-kill lorsque je pêchais en eau douce et c'était pour moi une règle évidente de bonne conduite.
Derrière cette habitude se cachait aussi une autre raison : je pêchais le poisson blanc et il aurait été ridicule de ramener à la maison une bourriche pleine de prises sans intérêts pour la consommation comme des carpes, des brèmes et des gardons...
Mon comportement a commencé à changer lorsque j'ai débuté la pêche en mer. J'ai redécouvert le plaisir de déguster des poissons savoureux et j'ai également pu faire plaisir à mes proches qui ont soudainement porté un regard différent sur ma passion. En effet, certains d'entre eux avaient du mal à comprendre le plaisir que je pouvais prendre à pêcher des poissons... pour les relâcher.
La pratique systématique du No-Kill n'est pas toujours bien perçue par les gens qui ne pêchent pas. Elle est souvent interprétée comme une pratique inutile et cruelle où l'on joue avec la vie d'un poisson en le relâchant après l'avoir blessé. Il faut bien avouer que, malgré les précautions que l'on peut prendre, des poissons finissent par mourrir de leurs blessures (certaines espèces sont plus fragiles que d'autres). Il est donc parfois difficile d'expliquer que l'on "respecte" le poisson et que l'on se montre "responsable" en le blessant sans jamais avoir eu d'intention de le prélever.
Si vous souhaitez pratiquer le no-kill alors allez-y mais soyez conscient que tout le monde ne sera pas en mesure de comprendre votre attitude et que vous devrez aussi faire preuve de compréhension envers ceux qui choisissent de consommer leur pêche.
La réponse évidente au dilemme de la capture est donc d'apprendre à sélectionner les prises que l'on garde.
Bien entendu, la première chose à faire est de s'assurer que la taille réglementaire de capture est respectée. Je vous encourage d'ailleurs à rajouter au minimum 1 à 2cm de marge lors de la mesure d'un poisson car ceux-ci rétrécissent avec la raideur cadavérique. En effet, si vous mesurez un poisson lorsqu'il sort de l'eau (vivant) puis que vous reprenez la mesure quelques heures plus tard lorsque son corps est devenu raide, alors vous allez remarquer une différence de mesure qui peut faire passer la taille de votre prise en dessous de la maille.
Toutefois, s'en tenir seulement à la maille n'est pas suffisant pour se comporter de manière responsable car il faut bien avouer que les mailles sont relativement petites.
Pour certains, il ne faudrait garder que les poissons les plus gros de sorte qu'ils aient pu se reproduire avant d'être prélevés. Cette manière de voir les choses est partagée par de nombreux pêcheurs mais encore faut-il définir ce qu'est un poisson digne d'être conservé.
Ceux qui ont la chance de pratiquer la pêche dans des lieux bien peuplés en beaux poissons vous diront qu'il faut relâcher toutes vos prises en dessous de 1kg par exemple. Sur les plages que je pêche (la nuit), les poissons de plus de 500g sont peu nombreux et les poissons de plus de 1kg le sont encore moins... En bref, il n'est pas possible de donner une recommandation applicable en toute circonstance et là encore il faudra vous montrer compréhensif envers ceux qui prélèvent des poissons à la maille mais en dessous de vos standards.
Par ailleurs, ne conserver que les plus gros poissons n'est pas sans incidence. Si l'on s'intéresse vraiment à la reproduction des poissons comme critère de sélection alors il est important de rappeler que les individus les plus gros sont les meilleurs reproducteurs et s'il fallait en préserver quelques-uns en priorité alors ce seraient sans doute ceux-là. Ces gros individus ont adopté un comportement qui a assuré leur survie et pourrait donc leur permettre de survivre encore quelques années si on les relâchait. En grossissant, le nombre de leur prédateurs diminue et certaines espèces dont les gros individus deviennent solitaires sont alors plus difficiles à traquer et moins intéressantes pour les pêcheurs professionnels (ce qui augmente encore leur chance de survie).
Bien entendu, il n'est pas question de vous dissuader de conserver de beaux poissons, je me fais ici l'avocat du diable mais avouez que cela fait quand-même un peu réfléchir...
La question du nombre raisonnable de poissons à conserver revient très souvent et là encore il n'y a pas d'autre règle que le bon sens.
Le conseil que je peux vous donner est de vous limiter à la quantité de poissons que vous êtes en capacité de consommer prochainement. Vous pouvez congeler du poisson mais il faut absolument éviter de remplir des bacs au point de devoir un jour jeter du poisson oublié au fond d'un congélateur depuis trop longtemps.
Gardez du poisson pour votre famille et vos amis si vous êtes certains qu'ils en voudront mais n'ayez pas les yeux plus gros que le ventre.
Faites également attention à ne pas tomber dans la frénésie de capture. Cela se produit lorsque l'activité est intense et que l'on réalise une très belle pêche. Totalement absorbé par les prises qui s’enchaînent on finit par perdre le compte des poissons et inconsciemment on devient moins regardant sur la taille des individus que l'on conserve. C'est une fois la partie de pêche terminée que l'on se rend compte que l'on aurait pu relâcher quelques prises.
Mon dernier conseil est de s'assurer de ne pas relâcher un poisson "gâché" c'est à dire un poisson mort ou très mal en point. Si le poisson abîmé atteint la maille alors gardez-le et relâchez (en guise de compensation) le poisson suivant que vous auriez gardé en temps normal.
Peut-être avez-vous déjà remarqué, dans mes compte rendus de sortie, qu'il m'arrive ainsi de garder des poissons en dessous de la maille et de relâcher des poissons plus gros (je garde une dorade de 20-22cm remontée morte mais je relâche une dorade de 25-27cm en échange).
Je ne vous encourage pas à faire de même car garder un poisson en dessous de la maille n'est pas légal. Le compromis moral que je passe avec la mer n'est pas justifiable devant les autorités. Je prends donc mes responsabilités en agissant ainsi et bien que ce soit interdit je crois sincèrement agir de manière juste.
Pour vous donner une meilleure chance de conserver les plus belles prises, je vous conseille de gardez vos prises dans une bourriche ou un seau d'eau dont vous renouvellerez l'eau régulièrement pour éviter qu'elles ne s'asphyxient. Cela vous laissera le temps de décider si vous les gardez ou si vous les relâchez après avoir capturé des poissons plus gros.
Il est évident qu'un pêcheur qui ne respecte pas la maille sera la cible de critiques et c'est tout à fait compréhensible. En revanche, il est discutable de reprocher à un quelqu'un d'avoir gardé des poissons à la maille puisqu'il est en règle avec la loi. Si vous jugez la maille trop petite, alors militez pour que celle-ci soit augmentée et expliquez calmement aux autres pourquoi vous pensez nécessaire de prélever des poissons plus gros.
Par ailleurs, êtes-vous en mesure de dire qu'il a gardé ces poissons sciemment ? Et s'il avait gardé essentiellement ceux qui n’ont pas survécu et relâché la plupart des autres ? Rappelez-vous que les poissons relâchés ne figurent jamais sur la photo...
Reprocher à quelqu'un d'avoir gardé un "trop" grand nombre de poisson est également discutable. Que savez-vous vraiment de cette personne ? Et si le pêcheur avait une famille nombreuse à sa table... Et si ce pêcheur avait rarement l'occasion de se rendre à la pêche et qu'il avait juste gardé de quoi assurer sa propre consommation pour quelques jours... en quoi son comportement serait-il méprisable ?
Il est difficile de savoir quel a été le comportement du pêcheur ou la taille des poissons qu'il a gardé à la seule vue de la photo qu'il a publiée. Si cela vous intrigue, posez-lui des questions au lieu de le juger et soyez un peu pédagogue si la personne a manqué de discernement.
L’impact écologique que représentent les prélèvements d’un pêcheur ne se juge au nombre de prise prélevées sur une seule sortie mais plutôt sur l’année.
Une personne qui conserve 20 prises lors de sa sortie mensuelle aura toujours moins d’impact sur les stocks de poissons que celle qui pêche trois fois par semaine et garde 3 à 5 prises à chaque fois. Et pourtant, la première est souvent jugée comme irresponsable alors que la seconde est montrée en exemple pour avoir su rester raisonnable (un véritable non-sens).
Enfin, j’invite à relativiser un peu tous ceux qui décrient l’impact de la pêche de loisir sans se soucier des conséquences catastrophiques de la pêche industrielle. Non, la diminution fulgurante des stocks de poissons ne provient pas de la pêche de loisir mais du chalutage excessif et de la pollution.
En Méditerranée, 90% des stocks de poissons sont surexploités par la pêche professionnelle dont 75% des prises proviennent de la pêche industrielle. Même si tous les pêcheurs de loisir pratiquaient le no-kill, la quantité totale de poissons épargnés resterait infime par rapport aux prises des chalutiers et ne suffirait pas à faire remonter les stocks (d'autant plus qu'une partie des poissons relâchés finirait par alimenter les filets). Il y a là aussi de quoi méditer...