4 Mai 2024
Chapitre 7 | Plus qu’une simple réserve de fil, la bobine du moulinet influence la libération du fil lors du lancer et abrite le frein qui participe activement au combat avec un beau poisson.
Sommaire
La bobine du moulinet est un élément passif auquel on ne prête pas forcément grande attention lorsqu'on choisit un modèle de moulinet. N'ayant aucun rôle direct sur le fonctionnement mécanique du produit, nous ne nous intéressons le plus souvent qu'à sa contenance pour faire un choix.
La conception de la bobine a cependant beaucoup évolué au fil du temps pour répondre aux nouvelles exigences des pêcheurs en quête de performance, de précision et de confort.
La forme générale de la bobine, ses dimensions, l'angle de sa lèvre supérieure, les matériaux qui la constituent ou encore la composition de son frein sont autant de petits détails qui peuvent influencer les performances du moulinet.
Je vous propose dans cet article de zoomer en profondeur sur la conception de la bobine pour mieux comprendre comment et en quoi celle-ci contribue à sa manière et silencieusement à votre confort de pêche.
En dépit des apparences, la bobine est bien plus qu'une banale réserve de fil car elle participe au contrôle du fil lors du lancer. Sa géométrie et les matériaux de sa surface influencent les frictions imposées aux spires de fil qui s'échappent de la bobine.
Une conception astucieuse est nécessaire pour que le fil sorte le plus librement possible sans s'emballer. Si le contrôle est trop franc/ferme alors la distance du jet est pénalisée, à l'inverse un contrôle insuffisant favorise la formation de perruques.
Les bobines modernes, qu'elles soient d'origine ou fabriquées par un tiers comme pièces compatibles, sont composées dans l'un des trois types de matériaux suivants :
L'aluminium anodisé est le matériau le plus couramment employé par les grandes marques pour fabriquer leurs bobines. Il est robuste, craint peu la corrosion marine et s'avère relativement léger. Les bobines de faible capacité en aluminium vendues par des marques d'accessoires comme MV Spools, Sea Fishing ou Rely sont même ultra légères !
Les bobines en composite de graphite sont des produits économiques que l'on trouve sur des moulinets d'entrée de gamme. Moins robustes que les bobines en aluminium et moins lisses, elles sont totalement insensibles au sel et ont un coût de revient modique (leur principal intérêt).
Les matières plastiques forment une grande famille au sein de laquelle se distinguent deux matériaux couramment utilisés dans la fabrication des bobines : le POM (polyoxyméthylène) et le Polyamide (comme le nylon).
Le POM est un plastique dense et doux au toucher souvent confondu avec le Teflon/PTFE. Les bobines dites en "téflon" sont en réalité faites en POM beaucoup moins cher.
Le polyamide produit des bobines plus fines et plus légères que celles en POM mais également plus fragiles. Certains modèles présentent l'inconvénient de se déformer lorsqu'elles chauffent au soleil.
Les bobines en matière plastique se sont progressivement imposées sur le marché des accessoires car elles offrent une meilleure finition que les bobines en graphite et s'avèrent à la fois plus légères et beaucoup moins chères que les bobines en aluminium. Elles sont très répandues dans le monde de la compétition de pêche où posséder des bobines en grand nombre est un atout.
Les bobines droites adoptent une forme cylindrique quasi parfaite. La masse de fil enroulée forme elle aussi un cylindre (lorsque les rondelles de calage sont correctement positionnées). Les spires de fil sont de dimension uniforme et se déroulent toutes de la même manière au lancer (ou presque... car leur position dans la bobine change légèrement l'angle de contact avec la lèvre mais il n'est pas très utile de s'attarder sur ce détail).
Les bobines coniques présentent un diamètre intérieur inférieur sous la lèvre supérieure de la bobine qu'au niveau de la lèvre inférieure, formant un cône pointant vers le faut de la bobine. La forme conique a vocation à faciliter le vol du fil en réduisant les frottements entre les spires.
Il existe également des bobines coniques inversées où le diamètre est plus faible au pied de la bobine qu'au sommet (le cône pointe vers le bas). Cette forme incongrue induit un léger ralentissement du fil censé redresser partiellement les spires avant leur entrée dans la rampe d'anneaux pour faciliter la circulation de la ligne.
Daiwa est adepte de longue date des bobines coniques mais la forme générale a évolué au fil du temps. La marque a en effet abandonné le cône inversé sur les moulinets de surfcasting et ne propose plus à présent que des bobines coniques pointant vers le haut (au centre sur l'image).
Chez Shimano, seules les bobines modernes dépourvues de frein de la gamme japonaise sont coniques. Il s'agit de bobines destinées à la pêche en tresse fine pour la pratique japonaise du surfcasting (une pêche à gratter, canne en main, qui ne ressemble pas beaucoup à notre discipline). Les bobines européennes de Shimano sont droites depuis les années 2000, à une ou deux exceptions près.
Mon ressenti : Comparant depuis près de 10 ans mes lancers effectués avec des bobines droites et des bobines coniques sur le même moulinet (donc avec le même enroulement), je dois avouer ne toujours pas être en mesure d'identifier un gain de distance significatif en faveur de l'une ou de l'autre des deux formes.
Les résultats que j'obtiens en action de pêche sont très proches avec les deux modèles. Néanmoins, je dois reconnaitre que les bobines coniques me causent plus souvent des soucis tels qu'une spire qui s'évade de la bobine ou des perruques. Pour limiter les déboires, je suis contraint de moins remplir les bobines coniques pour augmenter le contact de la ligne avec la lèvre supérieur (nous reviendrons là dessus un peu plus tard).
La bobine est la partenaire passive du mécanisme d'oscillation dans le procédé d'enroulement. Le rythme d'oscillation détermine le pas des spires (écart entre les spires) et l'angle d'enroulement du fil. La taille de la bobine et son diamètre conditionnent le nombre de spires par couche de fil et leur longueur. Toutes deux ont donc une influence sur le rangement du fil et sur sa libération lors du lancer.
Plus la bobine est haute, plus le moulinet peut stocker de spires par couche de fil sans qu'il soit nécessaire de modifier le rythme d'oscillation. Une bobine 30% plus haute qu'une autre offre 30% plus de place, c'est logique.
A pas d'enroulement et diamètre équivalents, la bobine la plus haute (qui contient donc plus de fil par couche) possède un petit avantage lors du lancer. Pour une même longueur de fil déroulée, la bobine la plus haute des deux devra parcourir un nombre inférieur de couches de fil. Or chaque couche de fil retirée de la bobine entraine une augmentation des frictions de la ligne contre la lèvre supérieure à la couche de fil suivante. Dit autrement, plus la lèvre est dégagée et plus celle-ci ralentit la ligne lors du lancer, donc moins je parcoure de couches de fil et moins ma ligne est ralentie par la lèvre.
La dimensions standard des bobines est de 30mm à 35mm pour les moulinets de surf léger et de 35mm sur les moulinets de surfcasting lourd avec une tendance à l'évolution vers 45mm.
Plus le diamètre de la bobine est élevé, plus la longueur des spires est importante et moins le fil de nylon aura tendance à prendre de la mémoire lorsqu'il est stocké (cette seconde propriété a peu d'impact sur les tresses qui ne prennent pas de mémoire). En augmentant le diamètre de la bobine, je stocke une longueur de fil supérieure par couche devoir sans modifier le rythme d'oscillation.
Un fil qui présente peu de mémoire est plus aisément redressé par les anneaux lors du lancer. Il circule alors avec plus de fluidité, les collisions contre le blank ou les anneaux sont réduites ce qui favorise la distance de lancer et diminue l'usure du fil.
Le diamètre de la bobine est par ailleurs un des deux facteurs qui déterminent le taux de récupération, le second facteur étant le ratio du moulinet.
De manière simpliste et hâtive on peut résumer la situation en disant qu'une bobine plus haute freine moins la ligne au lancer. Il va de soit que l'on doit comparer des moulinets ayant suffisamment de points en commun pour que l’affirmation se vérifie. Je doute néanmoins qu'augmenter indéfiniment la taille des bobines soit systématiquement bénéfique.
La lèvre supérieure de la bobine agit comme un frein qui régule la sortie du fil au lancer. Sans contrôle, la masse de fil peut s'emballer et former une perruque qui bloque la circulation de la ligne dans les anneaux.
Le rôle de la lèvre est donc primordial dans l'efficacité du moulinet et son confort d'utilisation. Il convient de respecter son utilité et de ne pas chercher à la contourner en chargeant un volume excessif de fil dans la bobine. Une bobine trop fortement remplie empêche la lèvre de faire son travail, raison pour laquelle le fil s'emballe beaucoup plus vite sur une bobine en surcharge que sur une bobine préservant une petite marge de lèvre dégagée.
Si autrefois la lèvre supérieure était systématiquement droite (orthogonale à l’axe) il est aujourd’hui fréquent de trouver des bobines à lèvre inclinée sur les moulinets de Surfcasting.
Plus la lèvre supérieure est ouverte vers l'extérieur et moins celle-ci freine la sortie du fil. La ligne se libère avec plus de facilité lorsque la bobine possède une lèvre ouverte, améliorant potentiellement la distance de lancer. Il faut toutefois se méfier des lèvres très ouvertes (angle faible par rapport à l'axe) qui peuvent favoriser la sortie simultanée de plusieurs spires lorsque la bobine est remplie à fleur (le risque de perruque est alors maximum). Ce type de bobine requiert généralement de laisser une marge plus importante de lèvre dégagée pour compenser son contrôle plus lâche.
Le revêtement de la lèvre et sa forme sont aussi des facteurs favorisant la glisse du fil ou bien la ralentissant, même si cela peut paraitre anecdotique.
Les lèvres des bobines en aluminium sont simplement polies avant anodisation et éventuellement recouvertes d'un plaquage (une petite touche esthétique qui peut aussi protéger la lèvre des agressions du sel).
Les bobines économiques en graphite peuvent être couronnées de métal poli. Il s'agit d'une astuce à bas coût mais néanmoins efficace pour s'affranchir de l'aspect rugueux du composite de graphite afin d'améliorer la glisse du fil sur la lèvre et réduire son usure.
Les lèvres des bobines en matière plastique ne bénéficient pas de traitement particulier. Leur surface est suffisamment lisse.
Plusieurs informations sont habituellement communiquées par les marques au sujet du frein du moulinet : sa composition, sa puissance, sa rapidité et précision de réglage. Comprendre de quoi est composé le frein permet en outre de se faire une idée de son inertie et de sa longévité.
Avant de discuter de ces différents aspects, je vous propose un petit rappel sur le principe de fonctionnement du frein avant qui est très largement majoritaire sur les moulinets de surfcasting en raison de sa simplicité le rendant à la fois plus fiable et plus facile d'entretien qu'un frein arrière.
Sur un moulinet à frein avant, le système de frein est logé dans la bobine. Il est composé de disques (le plus souvent en métal) entre lesquels viennent s’intercaler des rondelles sur lesquelles les disques entrent en friction pour freiner la bobine.
Pour assurer la prise du frein (éviter qu'il ne tourne dans le vide), le disque central possède des ergots lui permettant de s'ancrer dans la bobine (il tourne alors avec elle) alors que les deux autres disques sont bloqués sur la section plate de l'axe (ils ne tournent jamais).
On contrôle la résistance du frein en exerçant une pression sur la pile de disques au moyen du bouton de frein (la molette). Ce bouton de frein contient un écrou que l’on vient serrer ou desserrer sur le disque supérieur de la pile. Plus on serre le frein, plus les forces de friction entre les disques et les rondelles augmentent.
L'un des éléments parfois mentionné sur la fiche d'un moulinet est la composition des rondelles de frein. Celle-ci permet au connaisseur d'anticiper l'inertie du frein et sa longévité potentielle.
Il existe trois types de rondelles dans les moulinets :
Les rondelles en feutrine sont les plus courantes car à la fois économiques et suffisantes pour les besoins des surfcasters. Correctement graissées, les feutrines donnent une très bonne progressivité au frein et sont préservées d’une usure prématurée mais elles s'usent quand même et finissent tôt ou tard par devoir être changées. La graisse utilisée influence l'inertie du frein, plus celle-ci est pâteuse et collante, plus elle oppose de résistance à la mise en rotation de la bobine.
Beaucoup plus robustes que les feutrines, les rondelles en carbontex sont idéales pour affronter des combats difficiles où le matériel est mis à rude épreuve. Le carbontex est un tissu de carbone qui supporte très bien l’échauffement et est donc tout indiqué pour encaisser les gros rushs de poissons exotiques ou de thonidés. On ne peut donc pas dire qu’un frein en carbone soit nécessaire pour la pratique du surfcasting (pas en Europe en tout cas) mais on trouve quelques moulinets de surfcasting qui en sont équipés. Le frein en carbone a l'avantage de présenter très peu d’inertie et offre une longue durée de vie. Il peut fonctionner sans graisse pour réduire l'inertie au minimum mais sa progressivité peut alors en être perturbée.
Les rondelles en PTFE (Teflon) équipent rarement les moulinets de surfcasting mais elles méritent notre attention car elles procurent une grande douceur au frein et ne nécessitent quasiment pas d’entretien (inutile de les graisser). Attention toutefois, plusieurs témoignages de pêcheurs pratiquant des pêches fortes de poissons exotiques relatent la perte d'efficacité des rondelles en PTFE lorsqu'elles montent en température.
La puissance du frein, exprimée en kilogrammes, représente la force de traction maximum à laquelle il peut résister avant de ne plus être en mesure de retenir la bobine.
En surfcasting, la puissance du frein peut avoir son importance lors du lancer. Un frein de puissance insuffisante risque de se libérer pendant la phase de poussée finale du geste de lancer. Pour cette raison les moulinets de surfcasting sont couramment prévus avec des freins d’au moins 10kg.
Si vous pêchez léger (moins de 100g) ou que vous êtes plutôt docile au lancer alors un moulinet doté d’un frein inférieur à 10kg pourra aussi vous convenir. A l’inverse, si vous pêchez lourd et que vous êtes un lanceur puissant alors sans doute vaut-il mieux opter pour un frein supérieur à 10kg.
Les freins rapides permettent de passer d'une bobine libre à un frein de combat en un nombre réduit de tours de bouton de frein (molette), généralement un tour voire un demi tour seulement.
Autrefois réservés aux produits les plus haut de gamme, les freins rapides sont devenus courants chez les grandes marques sur les moulinets de surfcasting, mais aussi de pêche à la carpe et au feeder.
Quelques exemples de freins rapides :
Ce type de frein remplace avantageusement les moulinets débrayables (avec levier à l’arrière) dont la mécanique plus complexe et plus fragile n’est pas adaptée au milieu marin. Mieux vaut un frein rapide qui se montre beaucoup plus robuste.
Le frein micrométrique est un système permettant une grande précision et finesse de réglage par la présence de nombreuses positions très rapprochées les unes des autres.
Un bouton de frein n’est en fait qu’un écrou doté d’un cliquet lui évitant de se serrer/desserrer inopinément. Le cliquet vous informe également du changement de position par un clic sonore.
Un frein micrométrique est simplement un bouton de frein doté de nombreux crans (clics), rien de plus… Ce genre de bouton de frein est banal de nos jours.