13 Avril 2019
Depuis toujours les pêcheurs invoquent la chance ou la malchance pour tenter de justifier le résultat de leur pêche. C'est parfois avec un peu de mauvais esprit que l'on désigne comme chanceux un autre pêcheur qui agace par ses bons résultats (surtout s'ils sont réguliers).
Si vous êtes convaincu que la chance est un facteur important de la réussite à la pêche alors la lecture de cet article peut vous surprendre, voire même vous déranger un peu... et c'est bien le but !
Cartésien de nature, je ne crois pas beaucoup en la chance. Je vais donc tenter de vous partager ici ma vision des choses, qui laisse plus de place à une approche technique de la pêche qu'au hasard.
Récemment, j'ai été confronté à l'incompréhension totale d'un pêcheur qui refusait l'idée même que la pêche puisse être plus technique et rationnelle qu'il ne le pense. Selon lui :
Le fait que mon interlocuteur mise sur sa chance avant de remettre en question sa technique est une contradiction qui prouve son manque de discernement. Comme beaucoup de pêcheurs, il est convaincu d'avoir la bonne technique et ne peut expliquer une mauvaise pêche que par l'absence totale des poissons (jour de malchance). Si un autre pêcheur à côté de lui parvient à prendre du poisson alors c'est forcément "un coup de chance" car il ne peut pas imaginer que celui-ci ait une meilleure technique que la sienne.
Face à mon point de vue plus moderne et mon argumentation rationnelle, ce pêcheur vétéran (qui ne pouvait pas remettre en question ses 50 ans d'inexpérience) a pris son courage à deux main pour m'insulter puis bloquer mon compte avant que je n'ai le temps de lui répondre. Son attitude m'a permis de comprendre qu'on ne pouvait pas bouleverser les convictions des pêcheurs sans se heurter à de vives réactions. Beaucoup de pêcheurs ne sont pas prêts à remettre en question leurs croyances ni à reconnaître leurs erreurs, c'est d'ailleurs ce qui les empêche de progresser.
On désigne comme étant un "coup de chance" toute situation heureuse qui se produit indépendamment d'une intervention volontaire et qui ne résulte pas d'un fait préalablement connu. La chance est donc uniquement le fruit du hasard.
Je pense que nous serons tous d'accord sur cette définition de la chance. Toutefois, les choses se compliquent un peu lorsque l'on juge une situation qui peut sembler fortuite à nos yeux mais qui ne l'est pas aux yeux de quelqu'un d'autre. Nous croyons au hasard alors que l'autre sait que ce n'en est pas un.
Figurez-vous que cette différence de jugement et de compréhension des choses est (très) fréquente à la pêche. Rentrons à présent dans le vif du sujet : le rôle de la chance à la pêche.
A la pêche, la chance désigne l'ensemble des facteurs de la réussite que vous ne maîtrisez pas et pour lesquels vous êtes contraint de vous en remettre au hasard (à défaut de pouvoir compter sur un savoir).
Selon votre expérience, votre niveau technique et votre connaissance du lieu de pêche, la part de chance qu'il restera dans l'équation du succès sera plus ou moins importante. Il est possible que certains facteurs de la réussite vous soient connus alors qu'ils échappent à d'autres pêcheurs (et inversement).
De mon point de vue, la chance seule ne suffit pas à expliquer la différence de réussite entre deux pêcheurs, sinon comment expliquer que certaines personnes ont systématiquement de meilleurs résultats que d'autres ?
Au championnat régional de surfcasting en Occitanie nous retrouvons les mêmes personnes sur le podium année après année. Qui se risquerait à dire que ces pêcheurs sont plus chanceux que les autres ? Nous savons tous qu'il s'agit des personnes les plus avancées techniquement et qui ont développé de meilleures capacités d'adaptation que les autres.
On ne peut parler de chance que pour une action ou un choix réalisé par le pêcheur qui ne ferait pas appel à ses connaissances et qui aurait (par hasard) favorisé ou permis sa réussite. Si vous acceptez cette vision des choses, alors vous serez d'accord avec moi pour dire que :
Pour vous assurer une régularité de réussite, vous devez réduire au maximum le besoin de chance en apprenant à maîtriser certains des paramètres qui vous permettront de trouver les poissons.
Que les choses soient bien claires : une approche rationnelle et réfléchie a toujours plus de probabilité de réussir que le hasard mais rien n'est jamais garanti. Il faut bien se rendre compte de la complexité que représente la compréhension du comportement des poissons.
Le premier facteur de réussite est le choix du coin de pêche pour lequel il faut tenir compte des conditions environnementales (météo, saison, état de la mer, courant, marée, lune).
Certaines plages, très bonnes par coup de mer, peuvent présenter un intérêt limité par temps calme. Les plages peu profondes sont généralement bonnes en plein été mais en début de saison les poissons privilégient les zones plus profondes à la température plus stable.
La corrélation de toutes les conditions environnementales est particulièrement difficile. Sans une bonne expérience de vos coins de pêche ou sans information fiable provenant d'autres pêcheurs, il faudra dans un premier temps vous en remettre au hasard et expérimenter jusqu'à comprendre quelles conditions de pêches sont les plus favorables pour chacun de vos coins.
Choisir la bonne distance de pêche n'est pas toujours chose évidente. En général, les surfcasters lancent leurs lignes le plus loin possible par habitude sans vraiment savoir s'il s'agit de la meilleure approche qui soit. En procédant de la sorte ils s'en remettent un peu au hasard.
L'objectif du lancer est de placer ses lignes sur le passage des poissons, et plus précisément sur les poches de nourriture. D'une espèce à une autre et selon la taille des individus, les poissons fréquentent des zones de nutrition différentes. Et parce que rien n'est simple, les zones de nutrition changent avec les conditions climatiques, les courants, le relief de la plage mais aussi l'heure...
Pour choisir correctement sa distance de pêche il faut donc connaître le comportement des poissons et le relief de la plage. Je vous invite à repérer le fond en plongée, c'est très instructif.
A défaut de plonger, vous pouvez "sonder" en grattant le fond avec un plomb. Utiliser une ligne en tresse pour sonder vous aidera alors à ressentir toutes les vibrations et facilitera la lecture du fond. Il s'agit d'une technique utilisée par les carpistes que l'on peut également employer en mer.
Le cas le plus compliqué est celui de la pêche à longue distance car il se peut que le poisson soit en activité mais hors de portée de vos lignes. En conséquence, vous aurez l'impression que le poisson est absent ou que vous pêchez "un mauvais jour" alors qu'en réalité vos lancers sont trop courts pour atteindre les poissons. Plusieurs choses peuvent être améliorées pour augmenter la distance de pêche, je vous renvoie pour cela à l'article suivant : Conseils pour augmenter la distance de pêche.
Un bon coin de pêche et la bonne distance sont importants mais pour en tirer tous les bénéfices il reste encore à présenter les bons appâts et le faire de la bonne manière.
Le choix de votre montage est primordial car il détermine la présentation des appâts et peut favoriser ou pénaliser la distance de pêche (certains montages opposent une résistance à l'air supérieure à d'autres et volent moins bien... donc moins loin).
J'entends parfois dire que lorsque le poisson est là et qu'il a faim alors il prend le premier appât qui lui tombe sous le nez. Je ne suis pas du tout de cet avis. Le cycle biologique des organismes marins est directement lié à la photopériode et à la température de l'eau. Leur manière de s'alimenter suit une certaine logique biologique. Ainsi, les poissons peuvent être amenés à favoriser la nourriture facile à ingurgiter et à digérer ou au contraire rechercher un apport important de calories. Les stimuli qui pousse un poisson à préférer sur un appât plutôt qu'un autre échappent encore à notre compréhension mais j'ai pu constater que les meilleurs appâts changent en fonction de la température de l'eau et de la saison.
Voici deux anecdotes qui illustrent l'importance du montage et de l'appât.
On a coutume de dire que la chance se provoque et je suis d'accord avec cet adage. D'ailleurs, vous suivez peut-être déjà naturellement ce principe sans en avoir pleine conscience.
Dans certaines situations, votre savoir et votre expérience peuvent être insuffisants pour vous garantir un bon résultat. Imaginez que vous péchiez un coin pour la première fois : vous ne connaissez pas le fond, vous ne savez pas avec certitude quelles espèces de poissons sont les plus présentes sur la zone, ni leur taille moyenne, ni leurs habitudes. Dans ces circonstances, vous pouvez rester passif et vous en remettre totalement au hasard en espérant qu'il "fasse bien les choses" ou bien vous pouvez user de technique et procéder avec méthode pour augmenter vos chances de trouver le poisson que vous cherchez.
Provoquez la chance en vous mettant à la recherche du poisson. Ne mettez pas tous vos œufs dans le même panier car multiplier les tentatives augmente la probabilité que l'une d'entre elles soit couronnée de succès. Pour plus d'information sur la recherche du poisson, je vous renvoie à l'article suivant : Pour rechercher les poissons, soyez méthodique !
Comme évoqué plus haut, la chance est étroitement liée à la méconnaissance : moins on en sait, plus on doit s'en remettre au hasard. Le savoir, propulsé par l'expérience, est ici directement opposé à la notion de hasard.
Chaque sortie pêche peut enrichir votre expérience, que le résultat soit bon, moyen ou mauvais. Il faut pour cela oublier l'idée de chance ou de malchance et s'efforcer d'interpréter le résultat obtenu pour qu'il puisse vous servir de leçon :
Chacun appliquera la méthode qui lui convient pour tenter de tirer un enseignement exploitable. Pour ma part, n'ayant pas beaucoup de mémoire, je tiens un journal de toutes mes prises dans lequel je note la taille, l'appât, le lieu de pêche, les conditions de mer, la date et la lune. Je tente ainsi de corréler les résultats obtenus sur plusieurs sorties et plusieurs années pour comprendre le comportement des poissons sur le secteur.
En procédant ainsi, je suis parvenu à augmenter mes résultats de manière significative en choisissant mieux mes coins de pêche et mes appâts en fonction du calendrier et des conditions climatiques. J'ai en effet constaté que certains secteurs sont plus favorables en début de saison, d'autres en pleine saison et d'autres encore en fin de saison. Les appâts les plus efficaces varient également en fonction du secteur et de la saison.
Notez qu'avec le temps, la connaissance rationnelle issue de votre expérience finira certainement par se transformer en intuition : vous saurez comment agir d'instinct, sans besoin d'un raisonnement construit.
A la pêche, nous ne sommes pas tous égaux sur le plan de l'expérience, des connaissances techniques et de la compréhension de la nature. Inévitablement, ces différences de savoir et de savoir-faire alimentent autant de croyances qu'il n'y a de pêcheurs.
Maîtriser à la perfection toutes les clés de la réussite est impossible, et c'est tant mieux ! La pêche trouve aussi son intérêt dans la part de mystère qui l'accompagne. Toutefois, il y a quand même un certain nombre de facteurs rationnels que l'on peut exploiter si l'on se donne la peine d'y prêter attention (sans doute en connaissiez vous déjà plusieurs).
Même si la pêche réservera toujours une place au hasard, le meilleur moyen de réussir ses sorties est de développer sa connaissance et sa technique plutôt que de compter sur sa chance.