8 Juin 2018
Aujourd'hui j'ai eu envie d'écrire un article sur les idées reçues et les croyances les plus courantes que bon nombre de pêcheurs colportent depuis des années.
Si certaines sont totalement fausses, d'autres sont sujettes à interprétation. C'est ce que nous allons voir dans la suite de l'article.
Comme je l'avais déjà écrit dans un article précédent, la taille d'un hameçon ne dépend pas du poisson mais de celle de l'appât. Pour éviter de capturer de petits poissons, il faut utiliser des appâts suffisamment gros pour qu'ils ne puissent pas les avaler.
Gardez à l'esprit que de nombreux poissons peuvent s'attaquer à des appâts plus gros que leur gueule car ils ont la capacité d'étirer leur mâchoire. J'ai déjà attrapé des daurades de la taille de la main sur des couteaux entiers (avec coquille) et hameçon n°2. L'appât était aussi long que le poisson...
Le ferrage avec un circle hook consiste en un geste ample et souple qui vise a établir un contact franc avec le poisson pour que l'hameçon puisse se piquer profondément. Il faut se retenir d'agir avec précipitation et trop de fermeté car cela pourrait arracher de la gueule un hameçon insuffisamment piqué au lieu de l'aider à assurer sa prise.
Si pour certains pêcheurs ce geste ample n'est pas comparable au ferrage, pour moi il l'est car il me rappelle beaucoup le ferrage pratiqué en pêche à l'anglaise. Notez qu'une canne souple pardonnera plus facilement un geste précipité ou imparfait qu'une canne raide.
Il est effectivement d'usage de monter un bas de ligne plus fin que le corps de ligne dans les pêches au flotteur ou les pêches près des rochers car l'hameçon est l'élément qui a le plus de chance d'accrocher le fond. Si cela se produit, le pêcheur doit pouvoir casser le bas de ligne pour récupérer le reste de sa ligne. De ce fait on utilise en général un corps de ligne plus robuste que le bas de ligne.
En surfcasting nous bouleversons toutes les habitudes car nous pêchons souvent avec un corps de ligne (fil du moulinet) plus fin que le bas de ligne.
Un corps de ligne fin nous permet de gagner en distance lors du lancer et limite la pression qu'exerce le courant sur la bannière.
Le bas de ligne est plus épais pour limiter les emmêlements causés par le courant et pour résister aux dents des poissons.
En l'absence d'obstacle, un fil de 16/100 offre une résistante linéaire suffisante pour combattre la grande majorité des poissons de bord de mer en méditerranée mais ne suffit pas pour résister à l'agression de leurs dents. Pour cette raison nous utilisons un fil de 22 ou 25/100 en bas de ligne, suffisamment résistant aux dents des poissons, et un corps de ligne de 16 à 20/100 pour optimiser la distance de lancer.
Ce conseil ne s'applique pas à toutes les situations. Il faut bien différencier les cas où la touche a été marquée et n'a pas eu de suite des cas où l'appât a été dévoré sans marquer de touche.
Si vous remontez régulièrement vos appâts dévorés sans voir de touche, alors rallonger votre bas de ligne ne résoudra probablement pas votre problème. Essayez plutôt de le raccourcir !
Pour comprendre ceci, il faut regarder le comportement des poissons lorsqu'ils prennent un appât et il n'y a rien de mieux que de plonger avec masque et tuba pour voir comment agissent les daurades et les marbrés.
Dans un banc, les poissons sont en compétition alimentaire les uns avec les autres. De ce fait, lorsque l'un d'entre eux trouve de la nourriture, il fera en sorte de l'avaler le plus vite possible avant que ses congénères ne viennent lui voler son butin.
Les petits appâts comme les vers sont avalés d'un coup sec. Un bas de ligne plus court facilitera la lisibilité des touches en donnant un contact plus direct avec le poisson. Celui-ci aura tendance à se piquer (effet auto-ferrant du plomb) avant d'avoir le temps de sentir le piège.
Avec un bas de ligne long, le poisson risque d'avoir le temps de trouver l'hameçon et de le recracher ou au contraire de l'avaler et de rester sur place sans marquer la touche en espérant réussir à s'en débarrasser (comportement caractéristique des daurades).
Rallongez votre bas de ligne seulement si vous constatez une succession de refus (touches sans suites avec un appât partiellement dévoré).
Les refus à répétition sont caractéristiques d'un bas de ligne trop court ou trop raide.
La finesse du fil apporte avant tout de la souplesse (en comparaison du même fil à plus gros diamètre) et donc une présentation plus naturelle de l'appât. Il est préférable d'utiliser un fil plus gros mais souple qu'un fil fin et raide. D'une manière générale, les poissons ne font pas attention au fil mais se méfient de tout comportement anormal de l'appât ou de toute sensation dérangeante lorsqu'ils le prennent en bouche. Un fil souple peut aider à éviter les rejets lorsque le poisson est pointilleux mais un bas de ligne raide a aussi des avantages dans d'autres circonstances.
Quoi qu'il en soit, un fil fin offre moins de surface détectable par la ligne latérale des poissons. Il est difficile de dire à quel point cet organe sensoriel est sensible mais il y a fort à parier qu'il soit plus déterminant que la vue. Je me souviens avoir déjà attrapé des poissons totalement aveugles (yeux crevés ou mal formés) qui n'ont pas eu de mal à trouver mon appât.
La finesse n'apporte pas de la discrétion par invisibilité mais par souplesse et par une diminution de la surface que le poisson peut percevoir au moyen de sa ligne latérale.
Le fluorocarbone dispose d'un indice de réfraction inférieur à celui du nylon et très proche de celui de l'eau qui le rend un peu moins visible dans l'eau que le nylon mais on est tout de même loin d'atteindre l'invisibilité.
L'étude de Jeff Thomson intitulée "Mathematical Theory of Fishing Line Visibility" prouve par les mathématiques que même si l'indice de réfraction d'un matériau est faible, un corps cylindrique restera visible car il dévie obligatoirement une partie des rayons lumineux.
Par ailleurs, la réduction de visibilité du fluorocarbone comparée à celle du nylon est toute relative. Si vous pêchez en plein jour dans une eau très claire, alors le fluorocarbone sera un peu moins visible que le nylon, ce qui peut éventuellement être un avantage.
En revanche, si vous pêchez dans une eau trouble ou bien si vous pêchez de nuit alors la différence de visibilité entre les deux matériaux sera infime car la quantité de lumière qui traversera le fil sera grandement réduite.
L'auteur du blog swiftflyfishing.com a réalisé un certain nombre de tests de comparaison avant de parvenir à la conclusion que nylon et fluorocarbone sont quasiment aussi visibles l'un que l'autre : https://swiftflyfishing.com/blogs/news/15472069-cutting-through-the-bullshit-the-mono-vs-fluoro-debate
Voici d'ailleurs une photo d'un brin de nylon et d'un brin de fluorocarbone dans le même verre d'eau.
Sur la photo, le nylon se trouve à gauche et le fluorocarbone à droite. Tous deux sont aussi visibles l'un que l'autre.
L'invisibilité du fluorocarbone est largement exagérée mais il possède cependant d'autres propriétés bien plus intéressantes en surfcasting :
Pour plus d'information sur la question, je vous encourage à lire l'article sur le fluorocarbone.
On associe habituellement la discrétion d'un montage à sa finesse et à son invisibilité. Je ne vais pas revenir sur la question de la finesse du bas de ligne que j'ai traitée plus haut, je vais cette fois-ci m'attarder sur le caractère visible ou invisible du montage.
J'ai précédemment évoqué l'usage de perles fluorescentes et phosphorescentes sur les montages, je peux également citer l'utilisation de plombs colorés ou lumineux. Avec ce type d'accessoire hautement visibles, il n'est pas question de jouer la carte de la discrétion mais d'attirer l'attention du poisson pour déclencher une attaque.
Il est fréquent de remonter des perles broyées pas les daurades ou bien d'enregistrer des touches sur les lignes où le plomb est lumineux et non sur les autres. Ces situations démontrent clairement que les poissons ne sont pas forcément effrayés par les éléments artificiels visibles. Certains jours, ces accessoires sont même décisifs et permettent d'augmenter la cadence des touches mais on ne peut pas affirmer pour autant qu'ils soient efficaces en toute situation. On peut seulement en conclure que la discrétion n'est pas systématiquement un facteur de réussite.
L'idée de départ veut que sur un montage coulissant le poisson ne puisse pas sentir le plomb ni de résistance lors de la touche ce qui déjouerait sa méfiance et renforcerait l'efficacité du montage.
Penser que le poisson ne ressent aucune résistance sur la ligne parce qu’elle peut coulisser dans le plomb est une erreur. En effet, pour détecter toute activité sur votre ligne celle-ci doit être correctement tendue autrement quoi vous ne pourriez pas visualiser les touches en temps réel. Or, si votre ligne est tendue alors votre scion exerce sur la ligne une force opposée à celle du poids du plomb que le poisson ressentira dès les premiers instants de la touche.
Peu importe la direction que va prendre le poisson lorsqu'il déclenche la touche, il est évident qu'il va systématiquement se retrouver en contact avec le plomb ou avec le scion de la canne.
Il n'y a pas forcément plus de poissons au loin mais il est certain qu'en lançant loin on sera en mesure de prospecter une zone plus large et on augmentera nos chances de trouver les poissons.
Encore faut-il se donner la peine de chercher le poisson et non de laisser bêtement sa ligne à l'abandon après l'avoir lancée le plus loin possible.
J'y ai longtemps cru moi aussi avant de comprendre que ce ne sont pas 30m de distance en plus qui font la différence mais la nature du fond qui peut changer à quelques mètres près.
Par ailleurs sur certaines plages que je fréquente où l'on trouve très vite du fond, j'ai pu me rendre compte que l'on attrape les poissons à seulement 50m du bord. A partir de 80m je n'ai jamais attrapé autre chose que des poissons de petite taille. Après avoir fait ce constat j'ai compris qu'en surfcasting "plus loin" ne rime pas forcément avec "plus gros".
Il semble évident qu'en augmentant la taille de l'appât on devrait réduire les attaques des petits poissons. Pourtant j'ai plusieurs exemples à vous donner qui démontrent que cela ne fonctionne pas systématiquement.
Comme évoqué précédemment, il m'est déjà arrivé de pêcher des daurades de 15cm avec un couteau entier de 15cm lui aussi. Ce jour-là j'espérais éviter les petits poissons en montant de gros appâts durs et j'ai pu constater que cela ne suffisait pas toujours.
J'ai fait le même constat en pêchant avec d'autres appâts censés éviter les attaques de petits poissons comme les crabes que j'ai finalement remontés partiellement broyés ou démembrés, les gros couteaux décortiqués avec lesquels j'ai pu attraper des oblades et des bogues ou bien encore les bibis, éventrés par les petits sars.
Réciproquement, pêcher avec de petits appâts ne vous empêchera pas de prendre de beaux poissons. Plusieurs exemples me viennent en tête :
La taille de l'appât peut aider à sélectionner la taille du poisson mais ce n'est pas une science exacte. Le comportement de compétition alimentaire permet d'expliquer pourquoi la taille de l'appât aide certains jours à sélectionner les poissons les plus gros et pourquoi cela ne fonctionne pas à chaque fois.
Un banc de poissons est généralement constitué d'individus de tailles similaires mais il arrive que plusieurs bancs se mélangent sur une zone d'alimentation. Lorsque deux bancs distincts sont actifs sur la même zone, les poissons les plus petits se jettent les premiers sur la nourriture "facile", c’est à dire la nourriture qu’ils peuvent avaler d’un coup pour avoir leur part du gâteau avant que les individus plus gros ne s'imposent. Dans ce contexte un gros appât résistera mieux aux attaques des petits poissons jusqu'à ce qu'un plus gros finisse par s'en emparer. En revanche, si tous les poissons actifs sur la zone sont de même taille alors il y a fort à parier que la taille de l'appât ne fasse pas de différence.
La plupart des vers sont difficilement utilisables lorsqu'ils se décomposent, soit parce qu'ils tombent en morceau, soit parce qu'il se liquéfient mais les vers américains font exception à la règle. En effet, les vers américains ont tendance à raidir lorsqu'ils se décomposent et restent alors faciles à escher. Malgré l'odeur épouvantable, ils demeurent très attractifs et pourront vous surprendre par leur efficacité.
Les bibis morts ou décongelés sont également de très bons appâts si l'on prend la peine de les transformer légèrement. Il suffit pour cela de les escher en retournant la peau avant de les ficeler. Le rôti de peau de bibi plaira aussi bien au loup qu'aux sparidés, j'utilise beaucoup cette méthode même avec des bibis frais.
Les coquillages décongelés sont de grands classiques de l'arsenal du pêcheur, notamment en hiver et pendant les coups de mer. Les coquillages restent attractifs lorsqu'ils sont décongelés à la condition qu'ils soient crus. Le seul problème est que certains coquillages (comme les couteaux) deviennent mous et friables après décongélation. Il faudra donc changer vos appâts plus souvent.
Abstenez-vous de les ébouillanter ou de les saler abondamment pour les raffermir avant congélation car ils perdraient toute leur attractivité. Il m'est arrivé à plusieurs reprise de décongeler des couteaux pour compléter mon stock d'appât. Les couteaux congelés crus ont donné des résultats comparables aux couteaux frais. En revanche, les couteaux conservés dans la saumure n'ont rien donné du tout.
Des appâts frais seront toujours préférables mais des produits décongelés ou un peu périmés pourront vous aider à compléter votre menu (à moindre coût) et pourront vous réserver de belles surprises.
Voilà tout pour aujourd'hui.
J'espère que cet article vous aura éclairé un peu sur les croyances des pêcheurs et sur ce qu'il faut en penser lorsqu'on les confronte à la réalité.
Peut-être cela vous aidera-t-il à répondre aux affirmations infondées de vos camarades de pêche...
A vous maintenant de vous forger votre propre opinion et de développer vos propres croyances, uniquement basées sur votre expérience.